Hitler...
Une pharmacie ambulante

La peur du cancer de l'estomac et le régime végétarien.
Peu après sa prise du pouvoir en 1933, Hitler s'est plaint régulièrement de douleurs en forme de spasmes au niveau de l'estomac à la suite des repas : les symptômes n'ont jamais été précisés et Hitler, pour préserver son image de marque auprès du public et de sa cour, refusa longtemps tout examen médical complet malgré l'insistance du docteur Karl Brandt, chirurgien attaché à sa personne. Hitler, dont la mère était morte des suites d'un cancer du sein, a développé une véritable cancérophobie et il n'est pas exclu qu'il ait craint un examen radiologique pouvant faire suspecter une tumeur maligne de l'estomac. En 1936, le spectre du cancer lui apparut : à la suite de ses vociférations, Hitler se plaignait d'une légère difficulté à parler. Il se méfia du diagnostic posé par le docteur von Eicken : polype d'une corde vocale qui fut extirpé facilement.
Hitler prenait la peine de se tenir au courant des progrès de la médecine tout en ne faisant aucune confiance à la médecine officielle ; c'est à la suite de ses lectures qu'il décida d'adopter un régime strictement végétarien, composé avant tout de légumes et de céréales, de miel, de champignons, de lait caillé, de yogourt. Enfin, il voyageait avec une valise pleine de médicaments divers, comme plus tard le président Kennedy... Il fit la connaissance du docteur Theo Morell, de psychologie très fruste, complétant sa formation dans la marine et dans l'armée pour se spécialiser finalement en dermatologie et en vénéréologie dans un quartier chic de Berlin. Sa clientèle comprenait avant tout des artistes, des femmes du demi-monde, des politiciens, etc. Tous ses dossiers médicaux ayant été saisis par les autorités américaines d'occupation et transmis à Washington, on connaît très bien le genre de pratique du docteur Morell. Il soignait avant tout des fonctionnels et il avait l'intelligence de ne pas poser des diagnostics ; dès qu'un de ses patients était vraiment malade, il l'envoyait en consultation chez un spécialiste. Il connaissait au moins ses limites ! Il aimait cependant expérimenter de nouveaux traitements et s'intéressait beaucoup aux extraits tissulaires. Il avait une manie thérapeutique, le « Mutaflor », une préparation de colibacilles vivants cultivés à partir des selles de paysans bulgares particulièrement vigoureux! Un examen des selles du dictateur avait permis au docteur Morell de mettre en évidence une dysbactérie (modification microbienne) de la flore intestinale. La dysbactérie était une notion très à la mode au cours des années 30 dans les milieux paramédicaux. Morell avait bâti toute sa réputation sur cette dysbactérie et sur ce traitement. C'est le photographe Hoffmann, un intime de Hitler, qui recommanda le docteur Morrel au chancelier. Quand Morell examina pour la première fois Hitler, il n'avait probablement plus pratiqué la médecine clinique sérieuse depuis une vingtaine d'années. Dans ses dossiers, il n'y a pas d'examen systématique, mais quelques notes seulement de cet examen pratiqué en mai 1936: empâtement de la région pylorique, augmentation du lobe gauche du foie, sensibilité de la loge rénale droite, etc. Diagnostic après examen des selles : dysbactérie intestinale. Traitement : Mutaflor. Hitler est enthousiaste : jamais un médecin ne lui a expliqué aussi logiquement l'origine de ses troubles intestinaux. Je vais suivre sa prescription à la lettre ; Hitler a trouvé son maître !
Hitler affirma se porter mieux pendant près de deux ans ; était-il rassuré sur le caractère non cancéreux de ses troubles ? S'agissait-il d'un effet placebo, c'est-à-dire d'une amélioration subjective des troubles commandée par le psychisme du patient lui-même ? Lorsque l'effet du Mutaflor se dissipa, Hitler se plaignit à nouveau et Morell, au lieu d'appeler des spécialistes en consultation, se lança dans la prescription de médications plus dangereuses dont nous reparlerons plus loin.

hitler
hitler en vacances

La maladie de Parkinson.
Outre ses problèmes gastro-intestinaux dont nous ne savons rien d'objectif puisque aucune radiographie n'a été faite, Hitler a présenté les symptômes d'une affection neuropsychiatrique évidente. De petits symptômes apparaissent d'abord en 1937, se précisent en 1941 et évoquent un diagnostic certain en 1942. En été 1942, les Allemands sont au faîte de leur puissance arrogante : ils occupent toute l'Europe, s'enfoncent dans la Russie de Staline, se dirigent vers le Caucase et Stalingrad, tandis que Rommel se trouve devant El Alamein prêt à s'emparer du canal de Suez. En octobre 1942, Hitler éclate de rage parce que des soldats allemands ont planté le drapeau nazi au sommet de l'Elbrouz, puis se querelle avec son chef d'état-major Halder qui critique les deux offensives allemandes conduites simultanément et qui affirme que les Russes produisent énormément de chars (1 200 par mois). Les chefs militaires sont abasourdis : jamais ils n'ont assisté à une pareille scène dans leur vie professionnelle ou sociale. Il suspecte tout le monde, ne fait plus confiance aux sténographes (les enregistreurs n'existaient pas encore) et se lance dans des monologues rageurs durant plusieurs heures rappelant des phases maniaques disproportionnées avec l'événement en cause, comme en témoigne le fait suivant : on apprend un jour qu'un ténor de l'Opéra de Berlin est décédé. Hitler s'étonne de ne pas trouver un large bandeau noir en tête du journal le lendemain et il se met en colère contre la presse en général pendant plusieurs heures et ne travaille plus le reste de la journée. Le lendemain, tous ses généraux et maréchaux le trouvent sympathique, aimable, voire affectueux ; ils ne savent plus qui est le véritable Hitler. En dehors de décisions et de réflexions qualifiées parfois de géniales par ces mêmes compagnons, il semble que les décisions impulsives, irrationnelles, voire démentes, eviennent plus fréquentes au point de « choquer » des hommes aussi amoraux que Himmler ou Bormann ! De plus, Hitler, qui était admiré pour son pouvoir de synthèse, commence à négliger les grandes idées stratégiques pour s'intéresser à des décisions tactiques sans importance. C'est ainsi que le maréchal von Rundstedt déclara : « Les seules troupes que j'étais autorisé à déplacer sans autorisation du Führer étaient les sentinelles devant ma porte ! »
L'homme qui avait su constamment déléguer ses pouvoirs, s'occupait des moindres détails, frappant par son manque de souplesse, sa rigidité mentale, ses formules stéréotypées, sa lenteur, sa fuite des idées. Les séances durent si longtemps qu'on a perdu le but de la réunion. Le soir, après dîner, il se lance dans des monologues sans fin, il se répète continuellement, comme s'il était légèrement ivre (mais on sait qu'il ne boit jamais d'alcool). Il se trouble dans quelques expressions, fait des fautes de syntaxe, perd le fil de son discours. Puis il s'excite, fait quelques déclarations très percutantes, monopolise la parole pour donner des signes de dépression manifeste le lendemain. Il est vrai qu'on se trouve au moment du désastre de Stalingrad. Un fait demeure cependant : la mémoire, prodigieuse, reste intacte, pour les faits anciens et pour les faits récents. II reste réaliste et ne souffre pas d'hallucinations. Les fonctions neurologiques déclinent ; il présente un tremblement du bras gauche qui augmente lors de certains gestes (tremblement intentionnel). Hitler usa de quelques trucs pour tenter de diminuer son tremblement en comprimant le bras contre le corps, ou en serrant bien les doigts de la main gauche. En 1943, le tremblement s'étendit à la jambe gauche et Hitler tenta de le modérer en fixant le pied gauche contre le pied de la chaise. Puis vinrent les troubles de la locomotion bien visibles sur les films pris par Eva Braun et projetés en 1979/1980 par la télévision française : parfois démarche lente, traînante de la jambe gauche, Hitler s'aidant d'une canne, ou démarche plus saccadée et l'on voit des collaborateurs avancer une chaise pour qu'il puisse s'asseoir. Puis on note un tremblement de la main droite ; il ne pouvait plus signer ses documents et utilisait un timbre de caoutchouc.
Hitler lui-même a confirmé la réalité de ses troubles neurologiques au lendemain de l'attentat du 20 juillet 1944 : « Au moins il y a eu un bon effet de la bombe qui m'a presque guéri. Ma jambe gauche tremblait toujours un peu lorsque les conférences duraient trop longtemps et même au lit. Maintenant tout a disparu. Si j'avais été tué, cela ne m'aurait que libéré de mes nuits d'insomnie et d'une grave maladie nerveuse. » Mais deux semaines plus tard, le tremblement avait repris. L'état mental semble excellent d'après un oto-rhino-laryngologue, le docteur Erwin Giesing appelé à donner des soins au Führer qui souffrait des suites de l'explosion (double perforation tympanique). Il s'entretenait très cordialement avec le praticien, lui emprunta un livre d'ORL et assimila tout ce qui concernait les structures de l'oreille interne !
Le professeur Ernst-Giinther Schenck, chef de l'unité des services médicaux d'urgence de la chancellerie, a pu approcher à plusieurs reprises Hitler au cours de l'attaque des troupes soviétiques contre Berlin en 1945. Voici la description clinique qu'il a faite du Führer : « En moins de deux heures, j'ai pu observer deux fois Hitler, et cette fois-ci, sans que ce dernier puisse s'en douter. Il faisait pitié à voir. Sa main gauche flasque, dans laquelle se trouvait une paire de lunettes, s'agrippait à la table. Tout le bras gauche, jusqu'à l'épaule, tremblait, et parfois donnait l'impression d'un frémissement. Par moments, le bras frappait rythmiquement la table. Afin de s'ancrer lui-même, Hitler avait littéralement enlacé son mollet et son pied gauches à l'un des pieds de la table. Cette jambe tremblait, palpitait. Il ne pouvait pas la contrôler.

hitler en promenade
une pharmacie ambulante
Le traitement médicamenteux des troubles gastriques comprenait avant tout les pilules Antigas du docteur Koester, c'est-à-dire un mélange de belladone, de strychnine (3,0 mg) et d'atropine (0,2 mg) : la posologie était de deux à quatre pilules avant chaque repas, mais Hitler prenait jusqu'à vingt pilules par jour, ce qui fait une dose totale quotidienne de 4 mg d'atropine et 60 mg de strychnine. Il est fort possible que Hitler se soit senti plus détendu et ait vu son tremblement diminuer sous l'effet de ces drogues. Quant à la strychnine, elle aurait dû provoquer une hypertonie musculaire et des convulsions qui n'ont jamais été signalées.
Hitler absorbait beaucoup de laxatifs afin d'éviter de prendre du poids ; il utilisait notamment du Mitilax, à base de phénolphtaléine. Morell appliquait des sangsues peut-être pour traiter l'hypertension (qu'on plaçait derrière les oreilles). Mais Morell utilise des antalgiques de plus en plus importants, des alcaloïdes et des dérivés de la codéine combinés à la papavérine en injections intraveineuses et l'on peut penser que Hitler est devenu un toxicomane en raison de la dépendance qui s'installe ; il rejoignait sur ce point son grand ami Goering ! Les douleurs abdominales ne sont jamais bien décrites ; avait-on affaire à des douleurs ulcéreuses ou plutôt à des crises de colique hépatique, puisqu'elles seront suivies de l'apparition d'une jaunisse, qualifiée d'origine hépatique?
Hitler souffrait également d'insomnies chroniques et prenait régulièrement de l'Optalidon et des préparations de bromure.
Dès l'automne 1941, Morell pratique des injections intraveineuses de strophantine ; interrogé par les médecins américains lorsqu'il fut fait prisonnier, le médecin déclara qu'il faisait ce traitement à la suite de l'interprétation des électrocardiogrammes. Il injectait une ampoule de 0,025 mg chaque jour pendant trois semaines et répéta à plusieurs reprises ces cures de 1941 à 1944. On se demande pourquoi le docteur Morell utilisait la strophantine à action rapide dans un traitement au long cours sans évidence de signes d'insuffisance cardiaque plutôt que des préparations classiques de digitale. Il est possible que c'était alors la pratique de l'école allemande de cardiologie. Mais, aujourd'hui, on pourrait admettre éventuellement ce traitement à titre préventif chez un malade souffrant d'angine de poitrine avant un stress. Morell voulait-il à tout prix se prémunir vis-à-vis d'un infarctus du myocarde chez le génial Führer aux prises avec les difficultés du front russe ? On trouve encore dans la pharmacie personnelle de Hitler des stimulants du type Coramine ou Cardiazol, des antidépressifs (à base d'hormones), des vitamines.
Il est intéressant de noter que Morell a essayé de mentir sur un point important ; on ne trouve pas dans sa liste de médicaments, la métamphétamine. On sait par les témoignages du valet de Hitler (mort au début de 1980) que dès 1941 Morell faisait chaque jour, au lever du chef allemand, une injection intraveineuse de métamphétamine camouflée sous l'étiquette Vitamultin-CA. Le docteur Bezymenski à qui l'on doit un intéressant document sur l'autopsie de Hitler a confirmé que les services secrets soviétiques étaient au courant de ce traitement amphétamine. Dès 1943, Hitler demandait une seconde injection dans l'après-midi. L'entourage notait chaque fois la stimulation immédiate après l'injection. Morell reconnut par la suite qu'il pratiquait ces injections et qu'l devait augmenter la posologie : jusqu'à cinq injections par jour. En outre, Hitler prenait des pilules d'amphétamine dont nous ne connaissons pas le dosage. En effet, en 1943, un spécialiste des questions de nutrition des SS, le professeur Ernst-Günther Schenck, intrigué par ces pilules vitaminées qu'on ne trouvait plus sur le territoire allemand, en fit faire l'analyse par un de ses collaborateurs ; il y avait bien des vitamines mais, en plus, de la pervitine, c'est-à-dire de la métamphétamine, très utilisée par les aviateurs nazis. Dans un procès, le docteur Schenck confirma ces faits sous serment, en 1955.
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