Golda Meir apparaît comme une figure monumentale du jeune Etat d'Israël et elle a symbolisé à un moment donné de sa vie la grand-mère juive par excellence. A soixante-dix ans, elle aurait pu se retirer des affaires publiques après avoir accompli un remarquable parcours presque sans faute. A l'âge de soixante et onze ans, elle accepte de devenir Premier ministre et démontre une fois de plus que le goût du pouvoir est un poison subtil et profond. Elle sait qu'elle est gravement malade (on a diagnostiqué un cancer disséminé d'un type particulier en 1963) mais elle décide de garder le secret absolu sur son affection cancéreuse et sur les multiples traitements qu'elle doit subir.
Un lymphome malin connu depuis 1963...
Pendant quinze ans, soit depuis 1963, Golda Meir et ses médecins ont gardé le secret complet, même vis-à-vis de ses ministres, et c'est le jour de sa mort, le 8 décembre 1978, qu'on a appris officiellement au cours d'une conférence de presse que l'ancien Premier ministre israélien avait appartenu à la classe de « ces malades qui nous gouvernent »...
Le professeur Kalman Mann, directeur de l'organisation Hassadah Medical, a donc révélé le diagnostic de lymphome malin posé en 1963 déjà et dont le degré de malignité était peu élevé. Les prélèvements cellulaires ont été envoyés dans des centres étrangers qui ont confirmé le diagnostic établi par les hématologues de Tel-Aviv, les professeurs Moshé Rachmilevitch et Gabriel Izak. Golda Meir a subi des traitements radiothérapiques et chimiothérapiques et était hospitalisée de temps à autre et, bien que le lymphome ne soit pas un cancer rapidement évolutif, c'est pourtant bien un cancérologue, le professeur Zvi Fuks, directeur de l'Hadassah's Sharet Institute of Oncology, qui a conduit le traitement. En octobre 1967 elle subit une intervention chirurgicale si importante (ablation de la rate) qu'elle dicta ses dernières volontés quelques jours auparavant.
C'est dans le courant de septembre 1978, soit quatre mois avant sa mort, que Golda Meir s'est plainte pour la première fois de douleurs lombaires qui ont été attribuées à des métastases osseuses du lymphome. Les métastases ont envahi le foie et, deux semaines avant sa mort, Golda Meir a fait une jaunisse par obstruction, qui a provoqué une insuffisance hépatique aiguë. Selon ses médecins, Golda Meir n'a connu la réalité du diagnostic que quelques années auparavant; cette déclaration médicale peut être mise en doute. Elle était destinée avant tout au public qui se posait des questions sur les capacités de gouverner et de prévoir de Golda Meir avant et pendant la guerre du Kippour !
Un secret médical absolu.
Lors de la mort du Premier ministre Eskhol, Golda Meir semblait fatiguée et maladive. Dix jours plus tard, lorsqu'elle comprit qu'elle avait des chances de devenir Premier ministre, elle apparut robuste et rajeunie. Questionnée par la journaliste Danny Bloch au sujet de ce brusque changement, Golda Meir répondit : Les faits sont très simples, ma maladie était mon désir de devenir Premier ministre. Dès l'instant, où je devins Premier ministre, tous mes problèmes de santé ont été résolus ! On ne fait pas mieux dans le genre de l'auto-guérison.
Contrairement à ce qu'ont dit les médecins israéliens, Golda Meir, devenu chef du gouvernement, a continué
régulièrement ses traitements à l'hôpital Hadassah. Les médecins et les infirmières furent priés de garder le secret absolu sur la maladie du Premier ministre ; au public, on racontait n'importe quoi : elle souffrait d'une petite grippe ou de fatigue. Certes on peut admirer l'énergie de Golda Meir conduisant le pays d'une main plus ou moins ferme et n'acceptant pas de reconnaître les effets de la maladie et des différents traitements.
Peu avant la guerre du Kippour, le lymphome se manifesta bruyamment par une nouvelle poussée douloureuse et par un état de fatigabilité excessive. Après un séjour de quarante-huit heures à l'hôpital où les médecins procédèrent à un check-up complet, ils ordonnèrent une cure de cobaltothérapie à doses massives pendant dix séances au minimum, à raison de trois par semaine. Golda Meir se demanda comment elle pourrait suivre le traitement et continuer sa charge de Premier ministre. Si elle devait se sentir trop fatiguée, elle envisagerait alors seulement d'abandonner ses fonctions de chef du gouvernement. Elle fit quelques confidences à ses enfants, à sa secrétaire Lou Kaddar. Trois fois par semaine, le soir, Golda Meir se rendait à l'hôpital pour suivre les séances de cobalto
thérapie. Par chance, sa secrétaire Lou Kaddar eut un
petit malaise cardiaque et fut hospitalisée ; ce fut un alibi parfait pour les visites presque quotidiennes de
Golda Meir à l'hôpital. Pour tromper le public, les médecins gardèrent Lou Kaddar plus longtemps que nécessaire.
Malgré la fatigue évidente du traitement par le cobalt, Golda Meir continua de travailler régulièrement. Les douleurs n'ont-elles pas affaibli la vigilance du Premier ministre qui devait se ménager d'une manière ou d'une autre ? Au début de juin 1973, le chancelier Willy Brandt fit une visite officielle en Israël. Golda continua de se faire traiter et assista même au dîner officiel après une séance de cobaltothérapie. Personne ne se doutait par quel calvaire Golda Meir passait et combien de fois elle avait hésité à démissionner, ce qui lui aurait épargné le drame de la guerre du Kippour.
Lou Kaddar a dit textuellement : Nous avions de nombreux secrets, mais le plus important concernait l'état de santé de Golda. Elle fut très malade pendant quinze ans. Nous allions ensemble à l'hôpital Hadassah le soir ou la nuit, pour la cobaltothérapie, pendant plusieurs mois ; ce fut terriblement éprouvant pour elle sur le plan physique. Je ne connais personne d'autre qui aurait supporté cela. Mais elle voulait garder le secret et le lendemain matin je la réveillais comme d'habitude à 7 heures. Je suis sûre que les médecins parleront de tout cela. A la fin juin, Golda Meir perçut les effets positifs du traitement et elle reprit du poil de la bête ; elle décida de se représenter aux élections générales prévues en octobre 1973 et écrivit cette lettre au secrétaire général du parti travailliste : « J'ai décidé de ne pas mettre un terme à ma vie publique contre la volonté de mes collègues qui portent avec moi le poids des responsabilités. »