Les Etats-Unis pendant la Bataille de l'Atlantique

Pendant six mois, les USA se fièrent aux patrouilles aériennes et navales pour prévenir les attaques de sous-marins allemands et ce, malgré l’expérience des Britanniques, qui avait démontré que l’emploi des convois était le seul moyen de limiter les dégâts.

Roosevelt ordonne de tirer à vue dans la bataille de l'Atlantique

Roosevelt ordonne de tirer à vue dans la bataille de l'Atlantique

Une suite d’incidents ayant pour cadre le Groenland et l’Islande accéléra bientôt l’entrée en guerre des États-Unis. Le 4 septembre 1941, un engagement opposa un submersible au destroyer américain Greer. Bien que, au sud-ouest de l’Islande, la responsabilité de l’incident ne pût être clairement établie, Roosevelt décida d’en tirer parti. Il déclara: «A partir d’aujourd’hui, les navires allemands ou italiens qui pénétreront dans les eaux territoriales des États-Unis le feront à leurs risques et périls.» Les bâtiments américains reçurent désormais l’ordre de tirer à vue.
L’opinion publique se prononçait déjà en faveur d’une meilleure protection des navires. Les pressions se faisaient de plus en plus vives pour obtenir enfin l’abrogation de la loi de Neutralité, que l’on avait soumise à une nouvelle discussion au Congrès.
C’est alors que deux autres incidents se produisirent. Le 17 octobre, le destroyer américain Kearny fut torpillé et perdit 11 membres d’équipage, alors qu’il escortait un convoi britannique attaqué au large de l’Islande. Le Kearny réussit à regagner sa base. Le 27 octobre, jour de la Marine, Roosevelt essaya d’obtenir un plus large soutien à sa politique internationale en tirant parti de l’affaire: «L’Amérique a été agressée, déclara-t-il. Le Kearny n’est pas seulement un bâtiment de la marine. Il appartient à chaque homme, à chaque femme, à
chaque enfant de ce pays.
» Le 31 octobre, un autre destroyer, le Reuben James, fut coulé, alors qu’il escortait un convoi parti de Halifax. C’était la première fois qu’un navire américain sombrait corps et biens dans la bataille de l’Atlantique; le nombre de disparus s’éleva à 115.
A la mi-novembre, le Congrès américain adopta de nouveaux amendements à la loi de Neutralité. Si les dispositions essentielles subsistaient, certaines restrictions importantes étaient néanmoins levées. Les bâtiments de commerce avaient désormais l’autorisation de se rendre dans les ports des nations belligérantes et d’être dotés d’armements. Les navires de guerre pouvaient dorénavant accompagner des convois dans les zones de combat et assurer de la sorte la relève des escorteurs britanniques.
Trois semaines plus tard, le Japon attaquait Pearl Harbor et les États-Unis entraient officiellement en guerre. Mais, d’ores et déjà, l’Amérique se trouvait profondément impliquée dans la bataille de l’Atlantique.

La réaction allemande deant l'intervention de l'Atlantique

Devant l'intervention des USA, la réaction allemande ne se fit pas attendre. L'amiral Dönitz lançait en janvier une offensive d'envergure

Devant l’intervention américaine, la réaction allemande ne se fit pas attendre. L’amiral Dônitz lançait en janvier une offensive d’envergure contre le trafic maritime le long de la côte est des États-Unis. Peu de sous-marins participaient toutefois à l’opération baptisée Drum Roll.
Au début de 1942, Dönitz disposait de 91 U-Boote, répartis comme suit: 23 se trouvaient en Méditerranée, prêts, sur les ordres de Hitler et du grand amiral Raeder, à couler les navires alliés apportant matériel et renforts aux troupes britanniques d’Égypte, et trois faisaient route vers la zone de combat. Six submersibles stationnaient à l’ouest de Gibraltar et quatre autres hantaient les parages de la Norvège. Dônitz ne disposait que de 55 sous-marins pour l’Atlantique. Or, 33 de ces 55 U-Boote se trouvaient en cale sèche, attendant d’être réparés. Par conséquent, 22 submersibles seulement opéraient dans l’Atlantique, dont la moitié environ faisaient la navette de leur base à la zone de combat.
Mais Dönitz obtint de ces quelques bâtiments des résultats absolument surprenants.
Les sous-mariniers allemands partaient pour leur nouvelle zone d’opérations «avec un moral élevé, écrivit Dönitz par la suite, porteurs d’un espoir tel que nous, au haut commandement, n’en avions pas connu depuis longtemps». Au large des côtes américaines, ils ne rencontraient ni convois ni escorteurs… uniquement des bateaux qui naviguaient isolément sur des routes régulières. Les U-Boote n’avaient qu’à prendre position le long des côtes, de la Nouvelle-Angleterre au nord de la Floride, et attaquer librement.
Le premier coup fut porté le 12 janvier. Le paquebot britannique Cyclops sombra avec ses 87 passagers au large de Cap Cod. Entre le 12 et le 31 janvier, les U-Boote torpillèrent 13 autres bâtiments totalisant 95000 tonnes. Au cours des quatre mois suivants, du 1er janvier au 31 mai, ils coulèrent 441 navires de commerce alliés, dont 87 (pour plus de la moitié des pétroliers) dans les eaux américaines. Cette offensive prit les Américains par surprise; ils ne firent pourtant pratiquement rien pour en réduire les conséquences. Les navires continuèrent à naviguer sans escorte et les commandants ne reçurent aucune instruction sur la conduite à adopter en cas d’attaque. Les avions qui auraient pu exercer une surveillance au large étaient affectés à d’autres tâches; et même lorsque des efforts furent enfin entrepris pour pallier ces défaillances, aucune autorité unique n’intervint pour les coordonner de façon satisfaisante.
Les navires américains ne s’entouraient d’ailleurs d’aucune précaution. Leurs équipages étaient à la fois inexpérimentés et d’une incroyable naïveté. Ils échangeaient par radio de longues conversations et fournissaient, de la sorte, des informations précieuses aux U-Boote à l’affût.
A terre, les villes n’observaient pas le black-out. A Miami, des rampes de néon illuminaient le front de mer sur 10 kilomètres, et les bateaux se détachaient la nuit comme des ombres chinoises. La Chambre de Commerce ne voulait pas éteindre les lumières, car elle craignait que cette mesure n’affectât le tourisme. Les vacanciers avaient, en effet, pris l’habitude de se rassembler sur les plages pour regarder les navires torpillés brûler à l’horizon!
Les autorités navales se montraient aussi inconscientes que les touristes. Elles se refusaient à suivre les conseils des Anglais et répugnaient même à adopter le système, pourtant éprouvé, des convois. De fait, la marine américaine ne fournissait aucune escorte à ses navires, sous prétexte qu’elle ne disposait pas d’un nombre suffisant de bâtiments pour leur assurer une protection convenable. En effet, la plupart des navires de guerre américains capables de s’opposer aux sous-marins étaient déjà partis accompagner des convois empruntant la route vitale de l’Atlantique Nord de Halifax à l’Islande. Quant aux unités restantes, elles se trouvaient dans l’océan Pacifique où elles avaient pour mission d’enrayer à tout prix l’avance japonaise dans l’archipel des Philippines en Asie du Sud-Est.

Les tactiques américaines pendant la bataille de l'Atlantique

La marine américaine ne pouvait donc compter que sur une vingtaine de navires pour protéger «la côte est,» appellation officielle de la zone couvrant près de 725000 km2 et s’étendant de la baie de Fundy à Jacksonville, au nord de la Floride. Affecter ces navires à la défense des convois reviendrait, prétendait-elle, à laisser sans protection des ports aussi importants que New York, Boston, Norfolk et Charleston. « En vérité, nous n’avons pas les outils qui nous permettraient de faire face à l’ennemi partout où il nous menace », écrivait à l’époque à un collègue l’amiral Ernest J. King, commandant en chef de la marine américaine. « Nous devons donc nous efforcer d’utiliser au mieux ce dont nous disposons. » Forte de cette conviction, la marine américaine envoya ses navires à la recherche des sous-marins. L’amirauté britannique tenta de la dissuader d’appliquer une tactique qu’elle-même avait abandonnée depuis longtemps, parce qu’elle s’était révélée infructueuse. Elle fit parvenir à la marine américaine le rapport suivant: « Cette leçon de guerre figure parmi les plus dures à accepter. Aller en mer poursuivre et détruire l’ennemi est exaltant pour tout marin. On a le sentiment de passer à l’offensive, sentiment qui n’est pas lié au travail monotone de protection des convois. Mais, dans cette guerre sous-marine, les limites de l’efficacité des patrouilles de chasse se sont très clairement manifestées. »
La marine américaine refusa de tenir compte de cet enseignement, et les Allemands s’en félicitèrent. « Les UBoote, écrivit Dönitz, ne furent pas longs à dresser un emploi du temps très efficace. Le jour, ils reposaient sur le fond à une profondeur variant de 45 à 140 mètres, un peu à l’écart des routes maritimes. Au crépuscule, ils se rapprochaient de la côte en immersion, puis ils faisaient surface au milieu du flot des navires pour attaquer en pleine nuit. » Il fallut attendre le 14 avril, soit trois mois après l’arrivée des U-Boote le long des côtes américaines, pour qu’un groupe de chasse réussît enfin non pas à détruire mais seulement à repérer un malheureux sous-marin.
Les Américains recoururent également à d’autres tactiques que les Anglais avaient déjà expérimentées, puis abandonnées. Ils utilisèrent des navires dotés d’un armement important et se présentant sous la forme d’inoffensifs cargos ou chalutiers, leurs canons dissimulés sous des filets. Ils construisirent cinq de ces navires, auxquels ils donnèrent le nom de « bateaux-pièges ». Les trois premiers prirent la mer, en mars 1942, au large de la Nouvelle-Angleterre. Quatre jours plus tard, l’un d’eux, torpillé par un submersible, sombra avec ses 148 hommes d’équipage. En plus d’un an d’opérations, ces « bateaux-pièges » ne parvinrent à repérer que trois submersibles, sans en couler un seul.
Ils eurent l’idée (elle devait d’ailleurs se révéler infructueuse) de solliciter l’aide de pêcheurs professionnels. Le commandant Vincent Astor fournit avec la bénédiction de la marine des émetteurs-récepteurs de radio à des pêcheurs du Maine à la Floride, leur demandant de signaler tout ce qui leur semblerait suspect. Mais les informations communiquées par ces derniers arrivaient avec un tel retard qu’elles ne servaient pratiquement à rien.
Pendant ce temps, les Allemands poursuivaient leur offensive, avec d’autant plus de succès qu’il disposaient désormais de ce qu’ils appelaient la «vache à lait»: un gros submersible de 1600 tonnes. Servant de base mobile d’approvisionnement, celui-ci ravitaillait les sous-marins en vivres, en pièces détachées et en carburant, et leur permettait ainsi de rester en mer plus longtemps: quatre semaines au lieu de deux.

Un système de convoi avec des résultats spectaculaires

Un système de convoi des USA avec des résultats spectaculaires

En mars, l’Amirauté faillit perdre patience. De plus en plus inquiets de constater que les produits essentiels transitant par les eaux côtières américaines n’arrivaient pas en Grande-Bretagne, les Anglais proposèrent d’envoyer aux États-Unis 10 corvettes et 24 chalutiers équipés pour la lutte anti-sous-marine et sortis de leurs chantiers. Ils offrirent de dépêcher en même temps deux officiers expérimentés pour apprendre aux Américains comment ils pourraient utiliser au mieux les escortes contre les U-Boote.
La marine américaine refusa les spécialistes, mais accepta les navires. Le 1er avril 1942, elle commença à utiliser les corvettes et les chalutiers britanniques comme système de convoyage partiel. Les cargos effectuaient de jour, sous la protection d’une escorte, des trajets de l’ordre de 120 milles, puis jetaient l’ancre pour la nuit dans un mouillage sûr avant de réappareiller le lendemain matin. C’était un premier pas de fait dans la bonne direction. Dès le mois de mai, des convois, au véritable sens du terme, couvrirent la distance New York-Halifax et Key West-Norfolk. Avec le développement du système, un véritable réseau en toile d’araignée de routes de convoyage existait en juillet; il s’étendait de l’île hollandaise d’Aruba, au large de la côte septentrionale de l’Amérique du Sud, à Halifax. De même que des voyageurs montent dans un train ou en descendent à n’importe quelle gare, les cargos se joignaient à un convoi ou quittaient celui-ci à n’importe quelle escale, passant ainsi d’un groupe d’escorte à un autre groupe d’escorte et,ce, de port en port.
Associé à une protection aérienne renforcée, ce système de convoi eut des résultats spectaculaires. Les pertes de navires au large des côtes américaines chutèrent de 23 en avril à cinq en mai et à zéro en juillet. Mais les U-Boote avaient eu le temps de procéder à un massacre: en six mois, ils avaient envoyé par le fond le long de la côte est des Etats-Unis plus de deux milliards de tonnes de navires.

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