F. Tillman Durdin (1907-1998), du New York Times, fut l'un des très rares Occidentaux à pouvoir témoigner directement :
« Juste avant d'embarquer pour Shanghai, j'ai observé l'exécution de deux cents hommes sur le Bund. La tuerie prit dix minutes. Les hommes furent alignés contre un mur et fusillés. Ensuite un certain nombre de Japonais, armés de pistolets, marchèrent nonchalamment autour des corps effondrés, logeant des balles dans ceux qui bougeaient encore. Les militaires qui accomplissaient cette horrible tâche avaient invité les matelots du navire de guerre ancré au large du Bund à assister à la scène. Un gros groupe de militaires spectateurs appréciait apparemment grandement le spectacle. »
La plupart des soldats s'étaient rendus sans opposer de résistance, souvent
par unités entières, le 13 décembre et les jours suivants. Assez nombreux aussi furent ceux qui désertèrent en endossant l'habit civil, et en tâchant de se fondre au sein des réfugiés. La propagande japonaise (et jusqu'à aujourd'hui les révisionnistes) ont beaucoup insisté sur cette « déloyauté » des soldats chinois, qui aurait en retour suscité des héritiers des samouraïs une vertueuse indignation. Mais il faut bien constater que le sort de ceux qui crurent bon de se fier au droit de la guerre fut exactement le même que celui de ceux qui se méfiaient. Ce fut donc le comportement exorbitant des Japonais qui provoqua les transgressions chinoises, non l'inverse... Même des blessés des hôpitaux furent raflés, brutalisés, entravés sans ménagement et enlevés. Tous, en tout cas, furent promptement rassemblés en groupes de plusieurs centaines ou plusieurs milliers, amenés en bon ordre, sans discrétion particulière, vers des esplanades préparées à l'avance. Là, horrifiés, ils se virent soumis au tir croisé de mitrailleuses, puis achevés si besoin était au pistolet, quand la baïonnette systématiquement enfoncée dans les corps révélait un souffle de vie.