Daffy Duck... La passion de Kim Jong-il
kim jong il
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Dans la lignée de son père, le Grand Leader de la nation, Kim Jong-il est qualifié de Cher Leader. En 1987, la propagande officielle l'a crédité d'avoir créé un paradis que même Jésus-Christ ne peut donner. Elle lui a également attribué les titres de génie de la révolution, de héros et d' étoile polaire -.
La naissance de son père, K II-sung, en 1912, marque l'année zéro de l'histoire du pays.
D'innombrables affiches, photos. peintures et statues des deux Kim ornent les places publiques les bâtiments officiels, les salles de classe et les couloirs du métro de Pyongyang.
—Kim Jong-il est présenté, entre autres, comme l'auteur d'un Grand guide des journalistes comme un réalisateur hors pair présent sur plus de 70 tournages

Humblement, il implore leur pardon et leur avoue même qu'il a rédigé à ses moments perdus un opuscule baptisé, en toute modestie, Théories sur le cinéma. Abreuvé d'éloges mais étroitement surveillé, le couple tournera sept films pour le régime. L'un d'eux, One Way ission, remportera même un prix à un festival tchèque, en 1985 ! C'est le salut pour le duo qui profite de son séjour à Prague pour fausser compagnie à son escorte, gagner Vienne et trouver refuge à l'ambassade des Etats-Unis.
Par la suite, ils conserveront curieusement une sorte d'indulgence amusée pour leur ravisseur. Kim Jong-il, ses rages de sale gosse, ses talonnettes et sa coiffure savamment crêpée pour lui faire gagner quelques précieux centimètres... Ses trompeuses cajoleries et sa fureur homicide lorsqu'il fait fusiller son ministre de l'Agriculture, tenu pour responsable de la famine qui décime la population.
Le tyran sait aussi se montrer généreux : il fait distribuer aux apparatchiks bien notés des Mercedes qui affichent sa date de naissance sur leurs plaques d'immatriculation. Il a bien des passions : les pizzas, le cognac français et les homards « livrés quotidiennement », précise le diplomate russe Konstantin Pulikovsky, par hélicoptère lors de ses déplacements dans son somptueux train blindé (il a peur de l'avion).
Ces toquades, on s'en doute, laminent la résistance nerveuse de ses « collaborateurs », si tant est que le mot ait un sens pour cet égolâtre atrabilaire. Un jour, le « Soleil du XXIe siècle » trouve les rues de Pyongyang tellement belles sous la neige qu'il défend de les balayer. Le lendemain, il interdit aux citoyennes nord-coréennes le port du pantalon rouge, ou de s'asseoir en amazone sur le porte-bagages des vélos...

On peut demeurer un stalinien de choc, défier le Pentagone, considérer ses semblables comme autant d'insectes, et conserver une âme d'enfant. Kim long-il a ainsi consacré une section entière de son imposante vidéothèque aux dessins animés. Tout spécialement à Daffy Duck, le canard irascible, qui, on ne sait pourquoi, le met en joie.
Son rejeton, Kim Jong-nam, partage sa passion des petits Mickey au point d'avoir été arrêté à l'aéroport de Hongkong, en 2001, pourvu d'un faux passeport. Il ambitionnait de se rendre au Disneyland de Tokyo. Promptement rapatrié, il doit, dit-on, son actuelle disgrâce à ce regrettable faux pas.
Kim Jong-il n'a jamais hésité à braver le qu'en-dira-t-on pour satisfaire sa passion du septième art. C'est encore à Hongkong qu'il avait fait enlever, en 1978, l'actrice sud-coréenne Choi Eun-hee, de même que son époux, le metteur en scène Shin Sang-ok. Pour leur malheur, le satrape les adulait et s'était mis en tête de s'attacher leurs services pour qu'ils sortent du néant le cinéma nord-coréen.
Car même si son père, Kim Il-sung, continuait à être le dictateur en titre, son fils détenait déjà l'essentiel du pouvoir. Pendant cinq ans, ses deux « protégés » sont donc gardés au secret dans une villa des abords de Pyongyang. Ils ignorent d'ailleurs chacun que leur conjoint est tombé, lui aussi, dans les griffes du despote. Bon bougre, Kim Jong-il se décide enfin à leur révéler ses vrais projets au cours d'un fastueux banquet de réconciliation.

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