Supporter un bombardement que l’on sait devoir être de courte durée est déjà pénible ;
mais comment est-il possible de tenir sous un bombardement sans fin ? Combien démoralisante aussi
cette arrivée des obus de gros calibres. D’abord,
une détonation paraissant lointaine, c’est le coup
de départ ; puis un ronronnement paresseux, qui,
progressivement, s’anime ; l’esprit comme fasciné,
vous sentez que cet engin est pour vous, vient
sur vous.
Le ronron se rapproche toujours ; il devient très
distinct et progressif ; vous retenez alors votre
respiration en vous posant la question : que va-
t-il se passer ? Le ronron se termine ; c’est le
point de chute, l’éclatement, vous sentez votre
cœur qui se décroche…
Lettre d’un poilu du 42 R.I.
Quelle attente ! Comment des hommes peuvent-ils en
venir à de pareilles atrocités ! Une balle, ce n’est rien,
mais ces explosions, ces secousses, ce bruit qui sem
ble vous arracher le ventre, vous crever les oreilles,
vous décrocher le cœur…
Quand il faut marcher, faire quelque chose, se défen
dre, on s’en moque et l’on a du cœur ; mais rester ici,
impuissants, immobiles, à attendre la fin de l’agonie,
c’est un supplice inimaginable… J’ai prié, prié, me
cramponnant à Dieu. Vraiment, je n’avais plus que lui !...