Des villages rayés de la carte

Verdun, 300 jours en enfer

Il est tombé une moyenne de plusieurs centaines d'obus par mètre carré ! Véritable défi à l'entendement. L'imagination la plus fertile ne peut réaliser ce que ce fut, ni par quel miracle des hommes ont pu en sortir vivants !
Si vous aimez ce site ne bloquez pas l'affichage des publicités... Merci !
A Verdun, en 1916, le combat est de tous les instants et la mort est partout. Le fantassin n'a point une minute de repos. Il faut veiller sans cesse, la nuit surtout. Et travailler, car la tranchée est constamment bouleversée par les tirs ennemis. Il faut assurer le ravitaillement, c'est-à-dire aller loin, très loin, sous la pluie d'obus, chercher la soupe et le pinard. Les corvées disparaissent dans la tourmente. Les camarades ne mangeront ni ne boiront.
Et le supplice de la soif s'ajoutera à toutes les tortures endurées. Ainsi la soif, la faim, la stagnation dans la boue, l'angoisse de la mort qui rôde, l'atroce fatigue, l'extrême nervosité, le tonnerre des artilleries, parfois les gaz, les hurlements des blessés, la lente agonie des mourants, le spectacle d'une indicible horreur, tout cela c'est la vie quotidienne du soldat de Verdun.
A savoir
La vie quotidienne su soldat à Verdun

Neuf villages volatilisés pendant la bataille de Verdun

ruines d'un village aorès la bataille de Verdun
Nous vivons dans une tension nerveuse de tous les instants et nos sens surexcités ont parfois des réactions excessives, difficiles à éviter surtout la nuit dans les positions avancées et les postes isolés.
Le moindre bruit apparaît suspect et il suffit parfois du plus banal incident pour déclencher l'alerte et un branle-bas général : alors fusées rouges, blanches, vertes grimpent dans le ciel et le sillonnent en tous sens, tel un feu d'artifice un jour de fête populaire, et dans le même instant se déclenche l'inévitable tir de barrage dont on n'est avare ni d'un côté ni de l'autre, ou pour le moins une fusillade générale. Le coup de feu est contagieux la nuit : alors grenades, fusils, mitrailleuses entrent en action, et, tirant au jugé, balaient les alentours pour interdire toute approche, toute surprise, surtout au petit jour, si propice aux coups de main.
Dans ce déchaînement de violences et cette lutte sans merci où chacun cherche l'écrasement de l'autre ce n'est plus autour de nous que la ruine et la mort : neuf villages volatilisés, à jamais disparus, les bois qui étaient nombreux sont tous rasés, il ne reste aucune végétation, pas un brin d'herbe, rien qui rappelle la nature et qu'ici vécurent des hommes paisibles et heureux. Tout est réduit à un affreux néant qui nous écrase et nous égare. Aucune autre vie que la nôtre, avec les poux et les rats.

On rencontre des cadavres partout

Le sol calciné est recouvert des débris les plus divers et offre d'hallucinants spectacles : armes, munitions, matériels auxquels sont agglutinés des restes humains, des morts extraits de leur tombe et affreusement mutilés, des têtes aux orbites vides les yeux mangés par les rats.
Çà et là, le long des pistes on rencontre des cadavres de ces petits bourricots africains qui acheminent le gros matériel vers l'avant, pitoyables carcasses gonflées à pleine peau, les pattes raidies pointées vers le ciel et grouillantes de vers et de grosses mouches vertes, également ce grand cheval d'artillerie blessé à mort qui d'un oeil triste et douloureux nous regarde passer comme implorant un secours impossible. Là, au fond d'un entonnoir, une ambulance légère américaine, les quatre roues en l'air, achève de se consumer. Qu'y a-t-il à l'intérieur ?
Au ravin du Helly c'est une corvée de soupe surprise en pleine distribution, la roulante renversée n'est plus qu'une ferraille et tout autour gisent épars des ustensiles de cuisine, des bidons, des boules de pain, des morceaux de viande au milieu de vestiges de soupe et de traces de sang. Ce soir il en est qui resteront sur leur faim.

Les abris à verdun

Il est difficile de trouver un peu de repos : les abris qui dès le départ étaient bien insuffisants sont devenus rares, surtout dans les positions avancées ; en réserve nous avons généralement de bonnes sapes équipées de couchettes, installations bien rudimentaires faites d'un cadre de bois à trois étages garni d'un treillage en fil de fer sur lequel le soldat est tout heureux de pouvoir s'allonger.
Mais de ces couchettes il n'y en a jamais assez pour tous. Les derniers arrivés doivent se résigner à rester assis sur les marches de l'escalier qui, par moments, devient un véritable dortoir où le dormeur épuisé demeure insensible et indifférent à ce qui se passe autour de lui, à moins qu'une bousculade ne le sorte brusquement de son sommeil en le précipitant quelques degrés plus bas.
L'air humide et confiné, tout brouillé de fumée de tabac qu'on respire dans ces abris, incite, quand une accalmie se présente, à sortir pour trouver un peu d'air frais. On dort alors dans un coin de tranchée, un trou d'obus, à vrai dire n'importe où. On prend ce qui se présente sans toutefois s'éloigner de l'abri pour s'y réfugier en cas de danger.
En réserve au bois Bourrus nous avons une sape si humide qu'il y pleut littéralement. Il a fallu garnir le plafond de tôles ondulées, poser des caillebotis et creuser des puisards.
repos du poilu