La contre offensive
du 15 juillet 1916

Verdun, 300 jours en enfer

L'initiative change de main. Du 13 juillet à fin août, les français reprennent Fleury. Le général von Falkenhayn est relevé de son commandement. Hindenburg et Ludendorff le remplacent. Ils suspendent toute action offensive à Verdun.
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Objectif, dégager Souville et reprendre Fleury

offensive française pendant la bataille de Verdun
15 juillet 1916, 8 heures du matin, c'est la 37e division qui attaque, d'ordre de Mangin. Mission : dégager Souville et reprendre Fleury. Souville, Fleury, deux noms que nous venons d'entendre. Le 15 juillet, c'est juste trois jours, même pas, deux jours et trois nuits après le coup d'arrêt français qui a sauvé Verdun. Les petites silhouettes bleu horizon délavé s'avancent péniblement en glissant et en trébuchant, car il a plu la veille et l'avant-veille, le terrain est détrempé ; les obus soulèvent des geysers de boue. Le barrage français progresse devant l'infanterie mais en même temps l'artillerie allemande martèle cet espace incliné où les hommes progressent par bonds. Par à-coups plutôt. Avancer en marchant vite ou en trottinant, à la main le fusil ou les grenades, se jeter dans un trou ; se relever, repartir, de nouveau s'aplatir. Et à chaque bond, un peu moins d'assaillants, car il y en a qui ne se sont pas aplatis volontairement. De moins en moins d'hommes, de moins en moins encore. Une autre vague, c'est la même chose.

Les tambours de l'arrière

Le coup d'arrêt du 12 juillet devant le fort de Souville avait fait passer comme un souffle de victoire. L'Académie française avait rédigé une adresse , d'admiration, de reconnaissance et de respect à la IIe Armée ; la Chambre italienne acclamait la France, sauveur de l'Europe ; Alexandre de Serbie venait féliciter sur place les combattants de Verdun.
La Grande-Bretagne (le service obligatoire y avait été adopté le 25 mai 1916) félicitait Chantilly et promettait de vite accroître son effort de guerre. L'offensive sur la Somme avait bien commencé, du moins du côté français. Le commandement français éprouvait une agréable impression de vent en poupe, et non seulement le commandement militaire : le gouvernement aussi, le Parlement et ses couloirs. Mille voix de parlementaires et d'officieux criaient qu'il fallait profiter de la victoire défensive, ne pas laisser à l'ennemi le temps de souffler, le reconduire tambour battant. Tambour battant, expression qu'on répétait.
Et qui les entendait, ces tambours de l'arrière ? Qui atteignait-elle dans le secteur de Verdun, l'impulsion offensive enthousiaste ? Nivelle et Mangin. Nivelle, appelé au commandement de la Ile Armée pour remplacer Pétain le temporisateur ; Nivelle, séduisant et intelligent, charmeur de parlementaires, qui se disait qu'une vraie victoire à Verdun (au minimum : la reprise du terrain perdu) serait peut-être la chance de sa vie, l'accès à l'honneur suprême qu'en rêve il caressait.
Et l'impulsion offensive aboutissait en fin de compte à Mangin : l'homme qui avait l'offensive dans le sang ; l'actif, le dynamique qui souffrait de n'avoir pu encore imprimer à ses troupes, sur le pâteux charnier de Verdun, le mouvement vif et efficace qui correspondait à sa morphologie et à son tempérament et qu'il avait si souvent extériorisé, accompli, au cours d'actions héroïques, sur le sol de l'Afrique.

Pétain n'a pas ménagé ses critiques

Mangin avait tancé son attaque le 15 juillet. Préparation par quatre cent dix-sept canons.
"Quatre cent dix-sept, ce n'était pas assez. Nous étions loin du compte."
Qui parle ainsi ? Pétain, vous l'auriez deviné. Cette voix, point encore cassée et même très ferme à l'époque mais déjà condamnée, par une fatalité historique, à prononcer les paroles que personne n'aime entendre. « Nous avons eu tort. Vous avez la mémoire courte. Nous n'avions pas assez d'artillerie. Pas assez d'aviation. Nous n'étions pas préparés. »
Attention. Nous arrivons à un mouvement tournant, cette fois au tournant décisif, de la bataille de Verdun.
Pétain n'a pas ménagé ses critiques à propos de cette malheureuse contre-offensive du 15 juillet : « Le commandement local avait trop précipité l'engagement de cette affaire, qui ne réussit pas et qui aurait dù être plus mûrement préparée en raison du trouble apporté dans le secteur de Souville par la dernière ruée allemande du 11. » C'est très clair.
Ce qui apparaît clairement aussi, c'est que, ces critiques, Pétain les formule après. Cette malheureuse contre-offensive, il y a consenti. Dans quelle mesure l'articulation du commandement lui permettait-elle de s'y opposer ou de la retarder ?
Mangin pendant la bataille de Verdun

L'autre fait historique

Voici maintenant l'autre fait historique, qui succède au précédent, et aurait pu ne pas lui succéder. Le 18 juillet, Pétain semble se réveiller en tant que chef du groupe des armées du Centre, il se départit de sa réserve. Il fait savoir aux généraux placés sous ses ordres que les attaques importantes sur le front de Verdun seront désormais organisées et décidées par lui, « en raison de l'importance des moyens dont les chefs de groupement disposent en permanence » et il recommande expressément qu'une meilleure utilisation soit faite de l'artillerie « dans la désignation des objectifs, le contrôle des tirs et la liaison avec les troupes assaillantes ».
En même temps, Pétain demande à Chantilly deux mortiers de 400 pour écraser les forts de Douaumont et de Vaux, qu'il faudra bien reconquérir si l'on veut dégager Verdun.
« On me promettait de me donner satisfaction pour le début de l'automne et je décidai d'attendre ce moment pour nos grandes ripostes. Aussi les mois d'août et de septembre s'écoulèrent-ils sans événements marquants dans la région de Verdun. »
Il est très vrai que les mois d'août et de septembre 1916 « s'écoulèrent sans événements importants dans la région de Verdun ». L'historien voyant les choses d'un peu haut ne peut pas écrire autre chose. Mais les combattants de Verdun ne voyaient pas les choses d'un peu haut. Presque pour chacun d'eux les mois d'août et de septembre furent pleins, ou parsemés, d'événements formidablement importants, d'un poids insupportable. Et pour beaucoup d'entre eux, ce fut justement alors que la guerre prit comme une forme d'éternité.