Chargé de la distribution du courrier le vaguemestre est celui qu’on adule où qu’on déteste,
selon qu’il apporte des nouvelles de vos proches ou qu’il
n’amplifie leur silence. A partir de l’année 1915, il ne faut
plus que trois jours pour qu’une lettre parvienne à son
destinataire, autant dire… une éternité quand même.
Elles arrivent, ces lettres pleines de tendresse ou d’amitié, un soir de bataille, avec le ravitaillement,
et les noms qu’elles portent ne sont déjà plus que des
rubriques d’état civil. Le gradé chargé de la distribution
les appelle quand même. Mais sa voix baisse aussitôt
jusqu’à devenir un chuchotement inintelligible : rien de
plus poignant que les quelques secondes de silence
qui succèdent. C’est la confrontation de ceux qui
savent le malheur avec ceux qui l’ignorent encore.