On dîne, on boit, on se débraille
rideau
terrai d'aviation en 1916
aviation pendant la grande guerre

On était entre soi. Et donc, avec des dames. Gabriel Voisin les dit « charmantes, belles, jeunes et élégantes ». Ce sont « des reines de Paris ». On dîne, on boit, on se débraille. Et on fait un tel vacarme, toutes fenêtres ouvertes, que vers minuit, trois intrus viennent troubler la fête : l'adjoint du commissaire de police du quartier, flanqué de deux agents. Des voisins les ont requis par téléphone. On est en état d'alerte aérienne et, de la maison du boulevard Lannes, la lumière inonde le ciel tandis que le tapage doit « guider l'ennemi avec sûreté et sans faiblesse ». Nungesser se lève. Il faut l'avoir vu, ne serait-ce que sur une photographie, pour comprendre l'attrait qu'il exerçait, l'ascendant qu'il prenait aussitôt sur les autres.
La chevelure blonde, le visage bosselé par les coups reçus, l'oeil bleu faïence, une moue moqueuse à la lèvre bordée d'une cicatrice, il avait la carrure, l'assurance et la voix. D'un geste protecteur, Nungesser « prend le représentant de l'ordre par le bras » et s'emploie à lui démontrer qu'en matière d'alerte aérienne, les gens réunis là ont une certaine compétence.
« Vous aimez les aviateurs ?
- Mais...
- Vous les aimez oui ou non ? Alors, vous allez boire avec nous à la santé des chasseurs ! »
On boit, on se débraille un peu plus. On donne dans l'orgie. En tout cas, observe malicieusement Gabriel Voisin, « quand le petit matin nous surprit, les dames avaient revêtu les uniformes des agents ».
De bouche à oreille, la « fantastique crémaillère du boulevard Lannes » devient la fable des escadrilles et « à partir de cet instant, le boulevard Lannes reçoit la plupart des permissionnaires en visite à Paris ».

Les aviateurs, eux, s'entendent à bien les employer. « En 1915, rapporte Gabriel Voisin, les permissions furent envisagées et les premiers amis devaient arriver à Paris avec un furieux appétit de liberté... » Et il poursuit : « J'avais, en 1914, acheté boulevard Lannes une petite maison qui avait appartenu au Sâr Peladan, le fumiste bien connu. La crémaillère fut plantée en 1915. Les as de l'aviation étaient seuls de la fête. Nungesser, qui avait remporté sa première victoire sur Voisin, Garros, l'ami de mon frère, mon ami Audemar, Léon et Robert Morane, à peine guéris d'un accident récent, et toute la lignée des chasseurs et des bombardiers célèbres étaient réunis... »

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Les as de l'aviation