Un témoignage peu connu
rideau
bivouac pendant la retraite de russie

Pour rejoindre Smolensk, la Grande Armée doit désormais emprunter la même route qu'à l'aller, qu'elle a dévastée lors de sa marche en avant. Or, au même moment, les problèmes d'approvisionnement deviennent cruciaux car les soldats se sont plus encombrés d'objets pillés que de nourriture. Il faut aussi compter avec la pluie, une pluie fine et pénétrante, qui enrhume et démoralise.
La découverte du champ de bataille de Borodino, où ils avaient combattu deux mois auparavant, porte un coup au moral des soldats de la Grande Armée : « On voyait, conte le sergent Bourgogne, sortir de terre des jambes, des bras et des têtes ; presque tous ces cadavres étaient des Russes, car les nôtres, autant que possible, nous leur avions donné la sépulture. Mais comme tout cela avait été fait à la hâte, les pluies qui étaient survenues depuis en avaient mis une partie à découvert. Rien de plus triste à voir que tous ces morts qui, à peine, conservaient une forme humaine. [...] Lorsque nous fûmes arrêtés, nous nous occupâmes de nous abriter, afin de passer la nuit le mieux possible. Nous fîmes du feu avec les débris d'armes, de caissons, d'affûts de canon ; nous fûmes embarrassés, car la petite rivière qui coulait près de notre camp, était remplie de cadavres en putréfaction. » Les hourras des cosaques achèvent d'effrayer l'armée. Certes, Koutouzov se contente de la suivre, en marchant sur son flanc gauche. Mais il coordonne les incessants harcèlements que mènent ses redoutables cavaliers avides de piller à leur tour les Français. Et ces coups de main contribuent à l'affolement des troupes.

retraite de russie des soldats de napoleon

Jusqu'à Dorogobouj, à trois jours de marche de Smolensk, la retraite présentait encore une apparence d'organisation. Mais le 6 novembre, la débâcle avait commencé : L'atmosphère qui, jusqu'ici, avait été si brillante, note le quartier-maître Barrau, s'enveloppa de vapeurs froides et rembrunies. Le soleil, caché sous d'épais nuages, disparut à nos yeux, et la neige, tombant à gros flocons, dans un instant obscurcit le jour et confondit la terre avec le firmament. Le vent, soufflant avec furie, remplissait les forêts du bruit de ses affreux sifflements et faisait courber contre terre les noirs sapins surchargés de glaçons, enfin la campagne entière ne formait plus qu'une surface blanche et sauvage. »

grognards pendant la retraite de russie
Les descriptions de cette armée lentement recouverte par une neige qui lui tient lieu de linceul ne manquent pas. Suivons toujours le témoignage, peu connu, de Barrau : « Le soldat, accablé par la neige et le vent qui venaient sur lui en forme de tourbillon, ne distinguait plus la grande route des fossés et souvent s'enfonçait dans ces derniers qui lui servaient de tombeau ; les autres, pressés d'arriver, se traînant à peine, mal chaussés, mal vêtus, n'ayant rien à manger, rien à boire, gémissaient en grelottant et ne donnaient aucun secours ni marque de pitié à ceux qui, tombés en défaillance, expiraient autour d'eux. Combien de ces infortunés, mourant d'inanition, luttaient d'une manière terrible contre les angoisses de la mort ! On entendait les uns faire de touchants adieux à leurs frères, à leurs camarades ; d'autres, en poussant le dernier soupir, prononçaient le nom de leur mère et du pays qui les vit naître : bientôt la rigueur du froid, qui saisissait leurs membres engourdis, se glissait jusque dans leurs entrailles. Étendus sur les chemins, on ne les distinguait plus qu'aux tas de neige qui recouvraient leurs cadavres et qui, sur toute la route, formaient des ondulations semblables à celles des cimetières. » Spectacle d'horreur pour les survivants : « Des nuées de corbeaux, en passant sur nos têtes, poussaient des cris sinistres et des troupeaux de chiens venus de Moscou et des campagnes, ne vivant que de nos débris ensanglantés, venaient hurler autour de nous comme pour hâter le moment où nous devions leur servir de pâture
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La retraite de Russie