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Les hôpitaux,
des mouroirs sordides

Le service de santé
de la Grande Armée

Quel soldat, tombé blessé sur un champ de bataille, n'a pas rêvé en entendant prononcer ce mot ? Hôpital, un lieu où s'endorment les souffrances, sinon les appréhensions. Mais sous l'Empire, qu'est-ce qu'un hôpital ? Rarement, de toute façon, un lieu prévu à cet usage, mais le plus souvent un édifice hâtivement réquisitionné. Autant écrire que la misère, loin de s'arrêter devant la porte, s'insinue et suit fidèlement le blessé.

Couvents et hospices sont réquisitionnés

hôpital au temps du premier empire
Les hôpitaux sont généralement "improvisée avec les moyens "offerts" par le pays où l'on fait campagne. Avant la bataille d'Austerlitz, un système d'organisation des hôpitaux est prévu à Brno et dans les environs; comme de coutume, les couvents et les hospices sont réquisitionnés. Au soir de la bataille d'Elchingen, les blessés sont "entreposés" dans l'abbaye, transformée en hôpital pour l'occasion. Chaque fois que cela est possible, on essaie de faire transporter les blessés dans les couvents les plus pauvres, chez les capucins, par exemple. C'est chez ces derniers que l'on s'occupe le mieux des blessés, ils sont moins bien traités dans les riches monastères...
A Koenigsberg, en 1807, l'hôpital est lamentable, on est frappé par une odeur de fromage pourri qui annonce de grandes suppurations; les salles sont remplies de puanteur, l'alimentation est déplorable, l'économe est un misérable qui s'enivre trois fois par jour, il n'y a presque pas d'infirmiers, et pour comble, le régisseur général ne vient jamais dans les hôpitaux.?
En l813, l'hôpital de Mayence manque d'une foule d'objets indispensables. Il n'y a presque pas de draps ni de chemises. Les matelas et paillasses pourris ne peuvent être changés que très difficilement, car la saison est froide et humide. La malpropreté et l'infection sont à leur comble; les employés sont de mauvais serviteurs et, de plus, leur nombre est insuffisant: ils ne remplissent leurs fonctions qu'avec la plus grande répugnance et à force de menaces. Les malades sont couchés deux par deux, au milieu de l'encombrement et du désordre.

Les hôpitaux.... Des asiles de morts

hôpital au temps de Napoléon
Si l'hôpital de Vienne, avec ses salles grandes, propres et parfaitement aérées, avec son administration modèle, passe pour l'un des plus beaux d'Europe, si l'hôpital de Burgos, installé par les soins du gouverneur militaire de la ville, le général Thiébault, constitue un modèle rare avec ses ventilateurs pour l'été et ses poêles pour l'hiver, avec sa salle de bains permettant de décrasser tout soldat entrant ou sortant, en règle générale, les bâtiments pompeusement baptisés hôpitaux ne sont rien d'autre que des mouroirs sordides.
A Halle, non loin d'Iéna, la malpropreté règne en maîtresse : les blessés, tout habillés, y survivent, comme par miracle, sur une poignée de paille. A Varsovie, la situation est telle que, le 22 janvier 1807, Napoléon s'indigne que la France soit devenue la nation la plus barbare de l'Europe pour ce qui est du service des hôpitaux. A Stargard, près de Dantzig, les bâtiments, de très beaux corps de caserne, sont, faute de matériel pour les soins et d'installations sanitaires, dans un état de malpropreté affreuse ; l'hôpital de Marienbourg, ancienne forteresse de Templiers, dégage, quelle que soit la salle où l'on se trouve, « une odeur d'excréments insupportable »...

Arrêtons-nous un instant dans l'hôpital de Pultusk, en Pologne, et dans celui de Kustrin, près de Berlin.
A Pultusk, dans l'établissement tenu par les soeurs, « des religieuses dures, avares, égoïstes et pleines de vices ou de défauts » (constat cruel dressé par le chirurgien Percy), les lits ne dépassent pas 5 pieds de longueur. Conséquence : les soldats souffrant de fractures de la jambe n'échappent pas à un raccourcissement des membres de plusieurs pouces. S'il n'y avait que cela ! Le pire, pour celui qui pénètre dans cet hôpital, c'est une odeur de fromage pourri, annonciatrice des grandes suppurations. Quant à l'autre hôpital, installé, lui, dans l'abbaye des bénédictins, les opérés gisent sur quelques vieilles couvertures que leur ont procurées des camarades et qui, déjà répugnantes, le sont devenues encore bien davantage par la graisse, le pus, le sang, les crachats dont elles sont maintenant souillées.

Situation similaire à Kustrin, dans l'hôpital installé dans les magasins à blé du roi de Prusse. Malgré le nombre relativement peu élevé de blessés le service est détestable : l'atmosphère est, en effet, empuantie et empoisonnée par les « commodités » que l'on vide dans une fosse qui regorge et n'est même pas couverte. Et on n'y a pas plus d'égards pour la santé morale de ceux qui, quotidiennement, assistent au chargement des corps : onze, c'est la capacité du chariot. L'opération a lieu au pied des escaliers des salles principales, tandis que les cadavres se vident en répandant une odeur affreuse. La litanie pourrait se poursuivre longtemps encore et devenir monotone dans son horreur.

Les églises sont parfois transformées en hôpitaux

Hôpitaux sous l'Empire
Les églises sont parfois transformées en hôpitaux; Percy en visita une en Pologne et il la cite en exemple : "Chaque malade a un joli lit de bois et du linge. Les aliments n'y sont pas merveilleux mais le pain est passable il y a aussi du riz des pruneaux , des oeufs, un peu de vin et de bière; cet établissement peut être cité pour la régularité et la bonté de son service". Ce type d'établissement reste, hélas, une exception rare. Les blessés souffrent davantage de la chaleur, les hommes à cicatrices disent ressentir des douleurs qui présagent un changement de temps: ce sera particulièrement le cas lors de la chaude campagne d'été de 1809 et en Espagne.

De la soupe de cheval dans les cuirasses

La nourriture des blessés et des malades n'est généralement qu'une maigre pitance: elle est insuffisante et mal adaptée à leur état. Après la terrible bataille d'Essling, les blessés sont transportés dans Lobau aménagée en camp retranché. Les soldats la surnomment "file de misère", car la nourriture y est rare. Larrey ordonne de faire abattre ses chevaux et d'en faire du bouillon pour le distribuer aux blessés: faute de marmites, on fait la soupe dans des cuirasses et on sale le bouilli avec de la poudre à canon!
Lorsque les malades ou les blessés ont la chance de "tomber" dans un "bon" hôpital, ils mangent un peu mieux. Voici un exemple de menu journalier le matin, tous reçoivent, indistinctement, une assiette d'une bouillie claire faite avec de la farine, de l'eau et du sel; on leur distribue également le beurre pour la journée. Pour le dîner, ils ont un petit morceau de viande, ordinairement du veau, auquel on joint du pain et un peu de vin. Le soir, ils reçoivent une grande écuelle de gruau d'avoine ou d'orge. Si l'on ajoute que ces 'privilégiés" ont chacun une paillasse, une paire de draps et une bonne couverture de laine, on imagine leur chance! Ce "luxe" a été observé par Percy, durant la campagne de Pologne, mais il reste exceptionnel, tout comme l'exemple suivant.
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