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Le jour du recrutement

Les conscrits
dans la Grande Armée

Institution née avec le Directoire, la loi Jourdan-Delbrel du 19 fructidor An VII (5 septembre 1798) va instaurer la conscription pour tous les jeunes français. Égalitaire dans son esprit, cette loi sera vite rendue détestable, à la fin de l'Empire, par la multiplication des levées. Elle demeurera, malgré tout, le grand système de recrutement attaché à l'épopée napoléonienne.

Le jour tant redouté

recrutement du conscrit au temps de Napoléon
Arrive le jour tant redouté où le conscrit se présente devant le conseil de recrutement; ce dernier est présidé par le préfet et il est composé de l'officier général ou supérieur commandant le département, du sous-inspecteur aux revues ou d'un commissaire des guerres, de l'officier commandant la gendarmerie du département et du capitaine de recrutement, qui a uniquement voix consultative.
L'examen des conscrits se fait en présence du maire de la commune (ou d'un adjoint) et d'un officier de Santé (ou d'un docteur en médecine). Chaque conscrit passe d'abord sous la toise : il doit mesurer au moins 1,544 m (auparavant, la taille était de 1,598 m). S'il mesure moins, on porte dans les registres la mention : « Incapable, à cause de sa taille de soutenir les fatigues de la guerre »
S'il est déclaré bon pour la taille, on procède à l'examen de ses qualités physiques. Afin de satisfaire aux exigences des sénatus-consultes, les préfets ferment souvent les yeux sur la qualité des conscrits; écoutons le témoignage de Louis-René-Prosper de Pereuse, officier au 6' d'artillerie à pied, au Portugal en 1810: « On prend maintenant bossus, borgnes et boiteux, et cependant, on nous chante qu'on est très sévère là-dessus. J'en ai fait réformer trois de la compagnie, reçus vraiment très estropiés. » .
Le conscrit absent sans motif légitime est déclaré supplémentaire, il est réputé capable de soutenir les fatigues de la guerre et doit participer à la désignation. Lorsque tous les conscrits ont été appelés, ils sont classés en sept catégories : les hommes qui doivent concourir à la formation du contingent; ceux qui sont déclarés « supplémentaires »; ceux qui sont reconnus comme faisant partie de l'inscription maritime; ceux qui doivent être dénoncés au conseil de recrutement (cas des conscrits qui se sont volontairement mutilés); ceux qui sont définitivement reconnus incapables de supporter les fatigues de la guerre; ceux sur l'incapacité desquels le conseil de recrutement doit se prononcer, les absents avec un motif.

Les réformés de la conscription

Sont exemptés de la conscription : les hommes qui n'ont pas atteint l'âge légal; ceux qui se sont mariés avant le décret promulguant la conscription; ceux qui sont réformés pour défaut(s) physique(s); les élèves de l'École Polytechnique ayant rang de sergent d'artillerie; les élèves de l'École Spéciale Militaire (future école de Saint-Cyr); le conscrit qui est l'enfant unique d'une veuve; celui qui est l'aîné d'enfants orphelins au nombre de trois, lui compris; les grand prix de Rome; les cas prévus par l'arrêté du 29 fructidor An XI (renvoi numéro 8) comme, par exemple, les sous-diacres ou le conscrit dont le père a atteint l'âge de soixante et onze ans et qui travaille de ses mains.
Les registres de conseil de recrutement de la Côte-d'Or relatifs aux conscrits réformés donnent une liste de motifs impressionnants, mais on retrouve principalement les causes suivantes : faiblesse de constitution, hernie complète, surdité, mauvaise constitution, teigne, vices dartreux à la figure, vaisseaux variqueux au cordon spermatique, incontinence d'urine, jambe cagneuse, oeil droit difforme, myopie, défaut de taille, bégaiement, épilepsie, perte de la première phalange du pouce du pied droit, etc.

Le remplacement contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Le remplacement était lui aussi un arrangement de gré à gré, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, passé entre deux conscrits de classes différentes et qui n'étaient pas originaires du même canton. Le suppléant était celui qui, dans le cadre du département, s'engageait à partir à la place du conscrit qui l'avait acheté. Si l'arrangement avait lieu à l'arrivée au corps, le suppléant était dit remplaçant. Un conscrit qui avait usé une première fois de la substitution pouvait, s'il finissait par être appelé, utiliser ce traité pour ne pas endosser l'habit militaire.
Dans un cas comme dans l'autre, l'homme acheté coûtait cher. Dans la région d'Avignon, par exemple, les prix montèrent de 5 000 à 10 000 francs. C'étaient là des sommes considérables : un hectare de terre valait 900 francs, une bonne vigne 680, un champ d'oliviers 1 000 francs. Seul un fils de notable pouvait les aligner sur la table du cabaret ou bien sur celle du notaire, comme l'habitude s'en prit pour plus de sûreté. Le substituant ou le remplaçant fut souvent un manouvrier qui recevait ainsi plus d'argent qu'il n'en voyait entre ses mains après plusieurs saisons de labeur. Toutefois, des enquêtes menées dans les archives notariales montrent qu'il y eut parfois des artisans ou de modestes cultivateurs qui se saignèrent aux quatre veines pour éviter à leurs fils les champs de bataille de la Grande Armée. Certains hypothéquaient leurs biens, d'autres faisaient appel à leurs parents et à leurs amis. Ils avaient aussi la ressource de payer le remplaçant en plusieurs fois, ce que leur dictait d'ailleurs la prudence : ils étaient ainsi assurés que l'acheté ne déserterait pas en route pour s'offrir une seconde fois.

Tirer le bon numéro

consrcits au temps de Napoléon
Une fois tous ces jeunes gens dûment classés dans leurs catégories respectives, le sous-préfet procède au moment le plus important, celui de la désignation. On met dans une urne autant de bulletins portant un numéro différent qu'il y a de conscrits devant concourir à la désignation; chaque conscrit tire ensuite un billet (en cas d'absence, c'est le maire qui tire au sort à la place). Ceux qui tirent les premiers numéros font partie de l'armée active, les suivant sont versés dans la réserve et les derniers sont désignés pour rester au dépôt.
Si le conscrit est jugé capable de soutenir les fatigues de la guerre, il lui est délivré une feuille de route pour rejoindre son corps. Chaque canton est tenu de fournir le nombre d'hommes prescrit : à défaut, il faut compléter avec des hommes de la classe immédiatement supérieure. Les conscrits reçoivent, outre l'indemnité ordinaire de route, 25 centimes par jour pour tenir lieu de solde et rejoindre leur corps; ils ne doivent jamais voyager par groupe de plus de cent et doivent emprunter les routes prévues par les commissaires des guerres; la gendarmerie peut être requise pour escorter les convois de conscrits.
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