La seconde mort de Staline ...
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le 20eme congres en Russie

Ce n'est que plusieurs semaines après la fin du Congrès, clos officiellement le 24 février, que le bruit commença à se répandre qu'une chose d'une importance capitale s'était passée dans les coulisses du congrès. On apprit que lors d'une séance secrète, tenue dans la nuit du 24 au 25 février, les invités étrangers au congrès étant exclus, Khrouchtchev avait présenté un rapport sensationnel sur le règne de Staline, sur les crimes de Staline. On sut par la suite que les révélations du chef du Parti avaient été écoutées dans un silence tendu à l'extrême, qu'à la fin de son discours, Khrouchtchev s'était effondré en larmes et qu'une vingtaine d'assistants avaient eu des crises de nerf ou s'étaient évanouis ! Ces révélations n'étaient pas destinées à être divulguées à l'extérieur.
Les secrétaires des comités du parti donnaient lecture du Rapport avec interdiction de prendre des notes. La même procédure fut suivie dans les pays satellites. C'est là qu'eurent lieu les premières fuites. En mai, un membre de l'ambassade française de Varsovie prit connaissance d'un résumé du Rapport et, grâce à lui, France-soir eut la primeur de l'information.
Peu après, la C.I.A. put se procurer moyennant 300 dollars, semble-t-il ( jamais document d'une telle importance ne fut acheté à si bas prix, dira Khrouchtchev avec dépit ) une copie presque complète du fameux Rapport. Après quelques hésitations sur l'opportunité de la divulgation, le Département d'État décida de rendre public le texte, le 4 juin 1956. Sa publication (dans le New York Times du même jour et dans Le Monde le 6 juin) eut un retentissement mondial formidable. C'était comme une éclipse de soleil imprévue, la seconde mort de Staline, un coup terrible au prestige du communisme mondial. Les militants croyants attendaient de Moscou un démenti, une protestation. Mais le Kremlin se tut. Il fallut se rendre à l'évidence.

Khrouchtchev

L'évidence, c'était que Staline le Grand, le Glorieux, le Maitre-d'oeuvre de l'État soviétique, le Vainqueur de la Grande Guerre patriotique, l'Idole des communistes de tous les pays, avait été en même temps un tyran, responsable d'innombrables crimes judiciaires, de procès fabriqués, de tortures, de déportations, de l'internement et de la mort de millions d'innocents.
Pourtant, si le réquisitoire posthume de Khrouchtchev disait la vérité, il ne contenait pas toute la vérité. Dans son rapport, il passait presque entièrement sous silence les vagues de répression et les massacres d'avant 1934, la terreur commencée dès l'époque de Lénine et dont les victimes avaient été les intellectuels et les ouvriers non communistes ou trotskistes, les syndicalistes, les socialistes, des millions de paysans prétendument koulaks. Il fallut attendre Soljenitsyne pour dresser un inventaire plus complet de ces horreurs-là. Quant à Khrouchtchev, ce sont surtout les crimes judiciaires commis contre des membres fidèles du Parti, ils étaient aussi légion, qui avaient retenu son attention.
Sous la férule de Staline, dit-il encore, «des arrestations et déportations massives, des exécutions sans procès et sans instruction, créèrent des conditions d'insécurité, de peur, de désespoir ». Il ressortait du rapport de Khrouchtchev que Hitler et tous les dictateurs fascistes ensemble n'avaient pas exterminé autant de communistes que Staline. Pour ne citer que deux exemples donnés par lui : sur les 139 membres du comité central du Parti, élu par le XVII° congrès en 1934, 98, c'est-à-dire 70 % avaient été arrêtés et fusillés; et sur les 1966 délégués de ce même Congrès, 1 108 avaient subi un sort identique.
Enfin, Khrouchtchev révéla que Staline, vers la fin de sa vie, était retombé dans cette étrange manie de la persécution qui s'était déclarée chez lui entre 1934 et 1938. Il avait soupçonné non seulement ses médecins, mais aussi plusieurs de ses proches collaborateurs, Molotov, Boulganine, Mikoyan, de vouloir attenter à sa vie ou d'être des espions à la solde des Américains. Si Staline était resté à la barre quelques mois de plus, affirma Khrouchtchev, Molotov et Mikoyan n'auraient certainement pas pu prononcer des discours au XX" congrès... Staline avait eu de toute évidence le dessein d'en finir avec tous les membres de l'ancien Bureau politique.»

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