La mère, une paysanne mystique
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procès des soeurs papin

Depuis qu'elles étaient entrées au service des Lancelin, Christine et Léa Papin avaient toujours donné satisfaction à leurs patrons. Agées respectivement de vingt-huit et vingt et un ans, elles sortaient rarement, passaient leur après-midi de congé hebdomadaire dans leur chambre, s'occupant à ourler et à broder d'interminables trousseaux. Dans la mansarde du second, les enquêteurs découvriront trois malles bourrées de lingerie.
Les Lancelin soupçonnaient la nature trouble des liens qui unissaient les deux soeurs. Elles étaient nées d'un père alcoolique, qui avait abandonné son foyer après avoir abusé de l'une de ses filles. La mère, une paysanne mystique jusqu'à l'hystérie, avait confié les gamines au Bon Pasteur. Cette congrégation religieuse, fondée en 1829 par la mère Marie-Euphrasine Pelletier en vue de recueillir et d'éduquer les orphelines, comptait, à cette époque, une quarantaine d'établissements. Levées à l'aube, les pensionnaires devaient trimer jusqu'au soir. Les religieuses réglaient tout au son de la cloche : repas, corvées, prières, heure du coucher. Le dimanche, la messe et les vêpres pour seules distractions.
Certaines natures acceptent cette discipline, d'autres se révoltent.

Chez les soeurs Papin commença à germer la haine. Elles se mirent à haïr leurs semblables, la vie qui leur refusait toute joie, la société qui n'offre aux déshérités que les tâches les plus humbles, les plus ingrates. A leur sortie du Bon Pasteur, elles s'étaient placées dans différentes familles du Mans avant d'entrer au service des Lancelin. Leur mère s'intéressa de nouveau à elles quand elle put s'emparer de leurs gages. Depuis, les deux soeurs connaissaient une existence morose, répétant chaque jour les tâches de la veille, tout en remâchant leur rancune sans objet précis. Rien, cependant, ne laissait présager le crime atroce qu'elles venaient de commettre.

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Les soeurs Papin