Collabo, Sacha Guitry ?
rideau
sacha guitry

Dès 1939, comme il l'a fait en 1914, Sacha Guitry met sa notoriété et son talent au service de la patrie. Il prévoit d'organiser une tournée en province dont les bénéfices iraient au confort sanitaire des blessés. Il ne sera pas suivi dans cette initiative. Aussi retourne-t-il à ses occupations théâtrales. Malheureusement, Paris est bientôt occupé. Désireux d'oeuvrer pour la survie de la culture française, le dramaturge plaide pour la réouverture des salles parisiennes. Il intervient, en ce sens, auprès du recteur Gustave Roussy qui, dans la foulée, répercute au général allemand Turner. Contre toute attente, ce dernier cède chaleureusement à cette requête. De ce même général qui, le 30 juillet 1940, a couru à la Madeleine pour assister à la première de Pasteur, Guitry obtient la libération de dix prisonniers. Du coup, il entre dans l'engrenage des protections qui, à la Libération, le feront assimiler à un «collabo». Le 23 août 1944, deux hommes armés font irruption à son domicile, avenue Elysée-Reclus, et le somment de les suivre. Le comité d'épuration des gens du spectacle ne perd pas de temps. Traîné à la mairie du 7< arrondissement («J'ai cru qu'on voulait me remarier de force!» moque-t-il en pareille circonstance), il est ensuite conduit au Dépôt où pleuvent admonestations et injures. Et puis ce sera l'itinéraire de sinistre mémoire: Dépôt-Vél d'Hiv'-Drancy. Pour finir, sans la moindre preuve, Sacha est inculpé d'« intelligence avec l'ennemi ». Pour toute réponse: «C'est vrai, je ne crois pas en avoir manqué!» Transféré à la prison de Fresnes le 24 octobre 1944, le juge Angéras, devant un dossier vertigineusement vide, signe un non-lieu. Blanchi, Sacha Guitry n'en est pas moins délaissé. Seul un carré de fidèles sait se montrer courageux et passe, comme avant, le seuil de son hôtel particulier. Chaque soir, du bout de son crayon, le dramaturge déçu et amer frappe les trois coups sur sa table de travail. Dans cette solitude désespérée, il fomente alors une oeuvre dont l'intitulé pluriel ulcérera ses détracteurs: Quatre ans d'occupations. Dans ce repli, fleurit une certitude: «N'être jamais de ceux qui haïssent. Tâcher d'être plutôt parmi ceux que l'on hait. On y est en meilleure compagnie!»

anecdote
accueil
Accueil
Sacha Guitry