L'animation qui règne dans les rues est vive, grouillante, haute en couleur. On y mange et on y boit toutes sortes de spécialités locales proposées à chaque coin de rue. À Nice ou à Menton, on déguste de généreuses parts de socca, une grande galette à base de farine de pois chiches, d'huile d'olive et d'eau, également appelée cade à Toulon ; dans le Nord, ce sont plutôt les frites ou les moules dont on se régale en se brûlant les doigts ; en Bretagne, les coques ; à Marseille, les oursins.
Ces petits marchands ambulants vantent leur marchandise en criant à qui mieux mieux, et tirent
courageusement leurs charrettes sur les artères les plus fréquentées, dans les jardins publics ou sur la place du Marché. Durant la période de Noël, les marchands de marrons envahissent les rues. Ils dressent leur chaudron sur le trottoir et proposent des cornets de papier journal dans lesquels les marrons chauds, parfois même des poires cuites, réchauffent les doigts des clients. À l'approche des fêtes, on voit également apparaître des marchands d'oranges - une denrée précieuse dont on se délecte en prenant plaisir à la peler à la main -, ou de dattes, fruit ô combien exotique. Le marchand, affublé d'un pantalon bouffant ou d'un chapeau de zouave, fait parfois mine de parler à peine français pour ajouter encore au dépaysement.
Un autre produit indispensable pour allumer la cheminée ou la lampe se trouve facilement dans la rue : les allumettes. Vendues généralement par des femmes, ce sont des brindilles de belles dimensions enduites de soufre ou de phosphore. Déjà, les taxes de l'État et de la Régie du tabac sont exorbitantes et la contrebande fait rage. Les petites marchandes n'hésitent pas à se fournir auprès de passeurs qui arrivent tout droit d'Italie, de Suisse ou d'Espagne. Les jours de foire, on trouve également des mercières qui présentent un étal bien fourni ; boutons, fils, aiguilles, galons ou encore lacets, rien ne manque pour parfaire le nécessaire de la ménagère. Les enfants ne sont pas oubliés par les marchands. Gâteaux, nougats, friandises en tout genre sont également proposés. Les marchands les plus appréciés sont les marchands d'oublies ; ces gros beignets ronds, percés d'un trou, sont enfilés sur un bâton ou une cordé, afin de les vendre à l'unité. Ils sont parfois aromatisés à la fleur d'oranger, saupoudrés de sucre, ou fourrés à la confiture.
Gagne-petit, gagne-denier, ces termes désignent les petites gens qui essaient de récolter quelque argent en vendant de tout, souvent des petits riens. Ce sont souvent les femmes qui taillent par exemple des cuillères en bois pour les vendre sur les marchés. La fabrication de balais est également une activité prisée car facile à réaliser et dont la matière première ne coûte rien. Selon les endroits, on utilise des branches séchées de genêt, de bruyère ou de la paille de sorgo. Les tiges sont ensuite fixées à un manche en bois à l'aide de fil de fer ou juste bricolées avec des bouts de ficelle. Dans les régions où l'on manque de bois, certains paysans n'hésitent pas aller récolter les bouses des vaches dans les champs. Après les avoir fait sécher dans la grange, ils trimbalent leur marchandise malodorante sur des brouettes et s'en vont écouler leurs "galettes" comme combustible.