Hollande
La défaite vient du ciel

Histoire d'une défaite

Pour les Hollandais, tout fut terminé en six jours — principalement parce que la Hollande fut le théâtre d'une guerre à « trois dimensions ». Jamais auparavant les troupes terrestres n'avaient eu à se garder devant, derrière et au-dessus.
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Les parachutistes allemands en action

Les parachutistes allemands en hollande pendant la deuxième guerre mondiale
Le 9 mai, personne ne doutait plus que l'Allemagne était décidée à violer la neutralité hollandaise. Des officiers de la Wehrmacht, bien informés, avaient prévenu l'attaché militaire hollandais à Berlin que, le 10 mai, l'armée allemande franchirait la frontière des Pays-Bas. Le commandant en chef des forces hollandaises, le général H.G. Winkelman, put ainsi renforcer son dispositif de surveillance. Dès 3 heures, le 10 mai, la marine, l'armée et l'aviation étaient prêtes à toute éventualité.
Le lendemain à l'aube, exactement comme prévu, des centaines d'avions allemands bombardaient les bases aériennes et les noeuds de communications alliés dans le Nord de la France, tandis qu'une immense vague de chars et de formations d'infanterie (avant-garde d'une armée de deux millions d'hommes) déferlait aux frontières de la Hollande, de la Belgique et du Luxembourg. La bataille qui devait décider du sort de l'Occident venait de commencer.
La Hollande était l'objectif assigné à la XVIIIe armée allemande. Celle-ci comprenait une division blindée, une division aéroportée, une division de cavalerie, une division d'infanterie S.S. motorisée, six divisions classiques d'infanterie et enfin une division spéciale d'infanterie, forte de 12 000 hommes entraînés aux opérations aéroportées. A ces effectifs s'ajoutaient deux régiments de parachutistes, 4 000 hommes environ qui firent soudain leur apparition dans le ciel de Hollande; ils avaient pour mission de s'emparer des ponts et des terrains d'aviation. Quatre groupes de parachutistes furent lâchés au-dessus de Moerdijk, Dordrecht et Rotterdam pour s'assurer le contrôle de la route principale et des ponts de chemin de fer; un cinquième descendit sur La Haye.
Les Hollandais avaient conçu leur stratégie en partant de l'hypothèse qu'ils seraient attaqués à la frontière par des forces blindées et sur leurs arrières par des parachutistes. Ils espéraient pouvoir isoler et neutraliser ceux-ci avant qu'ils n'aient eu le temps d'accomplir des actes irrémédiables, et comptaient ralentir la progression des blindés en procédant à un repli progressif, au cours duquel ils feraient sauter les ponts et inonderaient le pays. Si tout allait bien, l'agresseur serait obligé de s'arrêter au bord d'un immense lac, derrière lequel, sur le territoire très peuplé qui s'étend en bordure de la mer de Rotterdam à Amsterdam et qui constituerait la «forteresse Hollande», l'armée pourrait soutenir un siège.
Mais à peine les Hollandais avaient-ils eu le temps de détruire quelques ponts (ceux de l'IJsel et une partie de ceux de la Meuse) que les Allemands étaient déjà à pied d'oeuvre. Les parachutistes maîtrisèrent les hommes qui gardaient les ponts, puis les unités aéroportées arrivèrent par vagues successives, déposées à proximité des ponts ou même par hydravion, au milieu des rivières. Tandis que les Hollandais s'efforçaient de se ressaisir, les Allemands s'emparaient des ponts et paraient aux contre-attaques. Pendant ce temps, leurs blindés avançaient à l'intérieur du pays.

Les parachutistes en difficulté

auto mitrailleuse hollandaise en 1940
La plus importante formation de parachutistes fut lâchée au-dessus de La Haye. Son premier objectif était de prendre possession des aérodromes pour permettre l'atterrissage des avions de transport et empêcher les Alliés d'envoyer en Hollande des renforts aéroportés. Plusieurs détachements de motocyclistes devaient ensuite gagner la capitale pour s'assurer de la personne de la reine et des membres du gouvernement et paralyser ainsi le centre vital de la résistance hollandaise. Les assaillants s'emparèrent bien des terrains d'aviation, mais le 1er corps néerlandais contre-attaqua, les repoussa, et fit un millier de prisonniers. La capitale, pour le moment, était sauve. Toutefois, les principales unités allemandes engagées dans la bataille se replièrent sur des positions défensives dans les villages voisins. Elles résistèrent avec la dernière énergie aux efforts déployés par les Hollandais pour les en déloger et immobilisèrent ainsi trop de combattants dont la défense néerlandaise avait désespérément besoin dans d'autres secteurs.
Les parachutages donnèrent naissance à des rumeurs effarantes. On parlait de trahison; on disait que des prisonniers allemands étaient porteurs d'instructions leur enjoignant de prendre contact avec des habitants de La Haye. On voyait des traîtres partout: la capitale regorgeait de membres de la 5ème colonne et de sympathisants nazis. Et, comme on apprenait de tous côtés que des parachutistes venaient encore d'atterrir, militaires et civils, saisis d'hallucinations, croyaient les repérer déguisés en agents de police, en voyageurs de commerce, en paysans, en curés, en bonnes soeurs; ils désorganisaient la circulation, empoisonnaient les puits, répandaient des nouvelles alarmistes et mensongères.
Il en résulta que des hommes dont la place aurait dû être en première ligne furent maintenus à l'arrière pour dépister dans les villes et les campagnes un ennemi qui ne s'y trouvait pas. Bien plus, la seule idée que n'importe qui pouvait être un parachutiste déguisé suffisait, dans bien des cas, à transformer la confusion créée par l'attaque elle-même en un chaos monumental indescriptible.
Pourtant, en dépit du choc fracassant de l'attaque allemande et malgré la confusion qui suivit, la «forteresse Hollande» tint bon, du moins au début. Les ponts qui commandaient Rotterdam étaient aux mains des Allemands mais les Hollandais, réagissant promptement, en avaient bloqué les sorties nord, empêchant les ennemis de les franchir pour se déployer. Espérant encore voir les renforts alliés arriver à temps, les Hollandais se battaient, attendaient, espéraient.

Rotterdam doit être détruit

Le plan d'invasion des Pays-Bas visait à briser la résistance des troupes hollandaises le plus rapidement possible pour permettre aux troupes allemandes d'entreprendre des opérations en France et en Belgique. La prise de Rotterdam était l'objectif principal : sa chute provoquerait la capitulation de l'armée. Les Allemands bombardèrent sévèrement la ville au moyen de l'artillerie et de l'aviation. On se demande encore pourquoi ils ne traversèrent pas la Meuse près d'Ijsel-monde, le 13 mai dans l'après-midi ou le 14 au matin, car ils auraient rencontré très peu de résistance et Rotterdam serait tombé entre leurs mains.
Avant le bombardement de Rotterdam, un ultimatum demandant sa reddition fut adressé au commandant de la place. Il était accompagné d'une menace de destruction totale de la ville en cas de refus. On pouvait alors espérer que les opérations aériennes seraient suspendues durant les négociations et que des ordres précis seraient donnés aux pilotes pour le cas (qui se produisit) où des défaillances de liaison radio se produiraient entre le commandant des troupes allemandes à Rotterdam et celui des formations aériennes. (Les communications radio entre l'aviation allemande et l'armée de terre étaient, effectivement, souvent défectueuses. Par exemple, le 14 mai, les « Stuka » allemands bombardèrent, par erreur, des chars allemands dans l'Ardenne. Le général Kesselring, commandant la IIe flotte aérienne, a déclaré que de telles défaillances à certains moments critiques des combats étaient « monnaie courante ».)
Les formations attaquantes ne pouvaient plus être alertées que par des signaux lumineux et Rotterdam ne pouvait donc être sauvé que si les pilotes apercevaient les fusées rouges tirées par les troupes de la rive sud de la Meuse. Bien que les fusées aient été lancées, seuls, 40 sur 120 bombardiers allemands les aperçurent à temps. Un officier hollandais eut cependant l'impression que le commandant allemand de la zone sud de Rotterdam s'était efforcé d'empêcher ce bombardement, mais qu'en Allemagne, quelqu'un (Goering) avait décidé la destruction de la ville. Des faits connus après la guerre tendent à prouver que cette supposition était vraie. La décision de Goering paraît inconcevable car Rotterdam aurait sans nul doute été plus utile aux Allemands intact qu'en ruine. Pour se justifier, ces derniers déclarèrent que des troupes britanniques débarquaient sur la côte hollandaise au sud de la Meuse et qu'elles menaçaient l'arrière de leur front le long d'une ligne Moerdijk-Dordrecht-Rotterdam. Cela signifiait qu'il fallait effectuer une percée au nord. En fait, aucune troupe ne débarquait alors sur la côte hollandaise.
Peu de temps après la remise du second ultimatum (le premier avait été renvoyé non signé), à 13 h 30, le 14 mai, les bombardements allemands commencèrent. En quelques minutes, le centre de Rotterdam fut transformé en brasier. Une partie de la population évacuait la ville, ce qui ajouta à la confusion générale. Cinq heures plus tard, les premières troupes ennemies pénétraient dans la ville en flammes.
bombardement de Rotterdam en 1940

L'héroïsme ne suffit pas

capitulation de la Hollande en mai 1940
Le bombardement de Rotterdam et la menace d'une action semblable sur Utrecht décidèrent le commandant en chef des forces néerlandaises à faire déposer les armes. A 16 h 50, le 14 mai, un message ordonnait aux commandants de détruire munitions, armes et matériel. La Hollande capitulait devant la puissance allemande.
Tout compte fait, on peut dire qu'en dépit de combats courageux et de nombreux exemples d'héroïsme individuel, le résultat fut décevant. Les troupes allemandes aéroportées près de Rotterdam et de La Haye avaient réussi à triompher rapidement de forces numériquement supérieures (peu entraînées et mal armées, il est vrai), ce qui eut un effet paralysant sur le moral des troupes hollandaises. Le commandement hollandais ne sut pas faire face à la situation. Une autre raison importante de l'impuissance à éliminer le reste des troupes aéroportées fut le manque d'informations sur la force réelle des troupes allemandes et sur leurs positions exactes.
Enfin, l'absence de renseignements précis sur l'importance et la position des forces aéroportées ennemies engagées constitua un facteur important de la bataille et empêcha le commandement néerlandais de tenter de les réduire.