Le tribu payé au bombardement

Londres sous les bombes

Le peuple anglais reste stoïque sous les bombes allemandes. Les morts et les blessés sont nombreux mais, malgré les destructions chacun reste à sa poste.
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De nombreux engins de mort

Dans les rues de Londres bombardée en 1940
Aussitôt après le raid sur Coventry, Londres fit à son tour l'expérience des mines parachutées. A Portland Place, dans le West End, un de ces engins endommagea une aile du siège de la B.B.C., détruisit un hôtel et ravagea la zone environnante. D'autres anéantirent des quartiers importants: Chelsea, Hammersmith, et la Cité, le quartier des affaires de la capitale.
Certaines mines n'explosaient pas, mais il fallait alors s'efforcer d'ôter l'amorce. Au début, seuls des spécialistes de la marine, habitués à désamorcer les mines magnétiques mouillées en mer, assumèrent cette mission. Bientôt, cependant, une petite équipe de techniciens put entreprendre cette tâche extrêmement périlleuse.
Les techniciens travaillaient à deux. Ils avaient pour tout matériel un tournevis pour desserrer le détonateur, une pelote de ficelle de façon à pouvoir retirer celui-ci après s'être placés à une distance sûre, et leurs mains, qui ne devaient pas trembler. L'un des deux hommes plaquait son oreille contre la mine pendant que l'autre bricolait. « Ce qui importait surtout, disait un spécialiste, c'était de savoir que si l'on devait faire rouler la mine pour en retirer le détonateur il fallait absolument écouter attentivement ce qui se passait à l'intérieur. Si l'on percevait un bourdonnement, mieux valait prendre ses jambes à son cou, puisqu'on ne disposait que de quinze secondes pour se mettre à l'abri.»
Pour compliquer encore les choses, les mines qui n'avaient pas explosé ne reposaient pas toujours sur le sol ou parmi les décombres. Ainsi l'une d'elles était restée accrochée par son parachute au plus grand gazomètre de l'East End; le vent la balançait, alors qu'on essayait de la désamorcer. Une autre se posa sur le pont de chemin de fer de Hungerford Bridge, qui traversait la Tamise. La voie était électrifiée; bien que l'engin se trouvât, de ce fait, soudé au rail, il n'explosa pas. Comme s'il fallait encore en rajouter, les Allemands inventèrent une autre astuce. Ils placèrent sous le détonateur principal un second détonateur qui provoquait l'explosion dès qu'on s'efforçait de désamorcer le véritable détonateur. Seul le spécialiste le plus habile et le plus averti pouvait éventer le diabolique stratagème.
Ces nouveaux engins de mort, qui venaient s'ajouter au déluge habituel des bombardements nocturnes sur les villes anglaises, achevaient d'exacerber la tension des habitants. L'institut de sondage Mass Observation demanda aux membres de son personnel de lui adresser un compte rendu hebdomadaire les concernant eux et leurs voisins dans lequel ils feraient part de leurs sentiments et mentionneraient leurs sujets de conversation et leurs activités. La majorité des personnes interrogées confessaient leur peur en entendant le fracas des bombes et à l'idée de périr ensevelies sous les décombres. Mass Observation constata néanmoins avec surprise qu'un grand nombre d'entre elles affirmait ne pas craindre la mort, à condition de mourir sur le coup. D'autres assuraient que l'excitation qu'elles ressentaient à la suite des attaques aériennes les stimulait au point de vue sexuel.

600 000 victimes prévu

les rues de Londres sous les bombardements en 1940
Churchill aimait volontiers aller se promener dans les rues sous les bombardements. Son entourage faisait tout pour l'en dissuader, car l'on avait vite fait d'avoir la tête ou un membre arrachés par un éclat de bombe. L'ordonnance de Churchill, un fusilier marin du nom de Ives, cacha un jour ses chaussures pour l'empêcher de sortir. Churchill, furieux lui ordonna de les lui apporter sur-le-champ.
Sachez, gronda-t-il, que lorsque j'étais enfant, ma gouvernante n'a jamais pu m'empêcher d'aller me promener dans Green Park quand j'en avais envie. Maintenant que je suis un homme, ce n'est certainement pas Adolf Hitler qui m'en empêchera le moins du monde!
Certaines personnes, en revanche, étaient littéralement terrifiées par les bombardements, mais l'idée de fuir la capitale et de déserter leur poste les effrayaient encore plus. Elles y restaient donc, stoïquement. Le physicien et écrivain C.P. Snow avoua plus tard: « Lorsque les bombes commencèrent à tomber sur Londres, je m'aperçus que j'étais moins courageux que la moyenne des individus. J'en étais humilié. Je parvenais de justesse à sauver la face, mais j'appréhendais terriblement la nuit. »
Bien que le tribut payé aux bombardements eût été finalement inférieur au chiffre de 600 000 victimes prévu par les experts britanniques au début du «blitz», Londres et les autres grandes villes anglaises n'étaient pas l'endroit rêvé pour travailler si l'on tenait à sa vie. Toute attaque importante pouvait se solder par un millier de morts, sinon davantage, cinq à six fois plus de blessés, et dix fois autant de sans-abri.

Une unité nationale retrouvée

Ainsi, à l'heure où les Anglais abordaient l'année nouvelle, la Cité, en ruine, continuait à brûler. Mais le peuple britannique se laissait à présent aller à la colère et non plus à la peur et à l'amertume; s'il se montrait furieux contre lui-même à cause de ses propres négligences, il tournait surtout son courroux contre l'agresseur allemand. Avant la fin de la bataille, d'autres bombes pleuvraient, et son courage et sa résistance seraient mises à rude épreuve.
Cependant, les derniers mois de 1940 avaient forgé en Grande-Bretagne une unité qui, sans être encore à la hauteur de l'idéal de Churchill, paraissait désormais capable de faire face à tout ce que Goering et la Luftwaffe pourraient réserver aux Britanniques.