Agressions et humiliations
des Juifs

Les Juifs
dans l'Allemagne nazie

Les lois raciales, qui écartaient les Juifs de la communauté allemande et qui, pour un observateur étranger, étaient un scandaleux retour à des moeurs primitives, étaient loin d'être impopulaires, car les théories raciales des nazis dépeignaient les Allemands comme le sel de la terre et la race maîtresse.
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Dès 1933, série d'agressions contre les Juifs

1933, série d'agressions contre les Juifs
Immédiatement après les élections de mars 1933, une série d'agressions non coordonnées contre les Juifs eut lieu. Nous avons déjà vu la forme qu'elles prirent à Würzburg — humiliation publique et incarcération d'un Juif qui avait entretenu une liaison avec une non-Juive (chose, répétons-le, qui n'était pas alors illégale). Mais l'action antisémite non officielle pouvait être bien plus violente. Arnon Tamir, jeune Juif de quinze ans quand Hitler devint chancelier, apprit d'un ami que, peu après l'accession au pouvoir du Führer, des SA de l'extérieur étaient venus dans son village et avaient molesté si violemment tous les Juifs qu'ils furent « incapables de s'asseoir pendant des semaines ». Dans d'autres régions d'Allemagne, on rapporta que des Juifs avaient subi diverses mesures humiliantes, comme se faire raser la barbe ou être forcés de boire de l'huile de ricin.
Rudi Bamber et sa famille, qui appartenaient à la communauté juive de Nuremberg, apprirent rapidement de quelle manière arbitraire les SA pouvaient traiter les Juifs : « En 1933, raconte-t-il, [ils] vinrent et emmenèrent mon père qui fut conduit avec beaucoup d'autres Juifs de Nuremberg dans un stade où l'herbe était relativement abondante. On les força à la couper avec leurs dents ; en quelque sorte, à la brouter. [...] C'était pour les humilier, leur montrer qu'ils étaient ce qu'il y a de plus bas, simplement pour faire un geste. »

Le Juif était un hors la loi

Le Juif était un hors la loi
Le 1er avril 1933, Hitler autorisa le boycott de toutes les boutiques et entreprises juives. Lorsque cette opération fut programmée, elle devait être illimitée dans le temps mais, après des pressions de Hindenburg entre autres (soucieux du risque de représailles commerciales à l'étranger), elle ne dura qu'une seule journée. Néanmoins, pour la population juive d'Allemagne, ce jour eut une importance symbolique considérable. Anion Tamir vit des SA barbouiller de peinture les vitrines des boutiques juives et ensuite se poster devant de façon menaçante pour imposer le boycott. Les SA criaient des slogans comme « Les Allemands n'achètent pas dans les magasins juifs ! » et « Les Juifs font notre malheur ! ». Il vit un ou deux Allemands courageux entrer de force dans des boutiques juives, mais leur bravoure lui montra seulement combien la situation des Juifs d'Allemagne était devenue désespérée. « J'ai eu l'impression de tomber dans un gouffre, dit-il. C'est alors que j'ai compris intuitivement pour la première fois que le droit existant ne s'appliquait pas aux Juifs... vous pouviez leur faire ce que vous vouliez... le Juif était un hors-la-loi. »
A partir de ce moment, il décida de se tenir à distance des Allemands non juifs. En un sens, il réagit comme les SA l'avaient espéré. Les nazis voulaient que les Juifs se séparent d'eux-mêmes des autres Allemands, créant ainsi leur propre Etat en Allemagne. Les Juifs formèrent donc leurs propres écoles, leurs clubs pour la jeunesse, leurs clubs sportifs — ils commencèrent à s'isoler volontairement. Ce fut d'autant plus tragique que nombre de Juifs en Allemagne s'étaient donné beaucoup de mal pour s'intégrer à la population. Même s'ils demeuraient physiquement au sein des frontières du pays, ils se sentaient rejetés.

Pendant la Nuit de Cristal

Pour Rudi Bamber et sa famille, la Nuit de cristal commença lorsque leur porte fut défoncée : « Dans les premières heures du matin, ils ont brisé la porte d'entrée et ont commencé à saccager les lieux — les SA. Nous en avons eu deux groupes : le premier s'est consacré à détruire les objets et est reparti, mais alors est arrivé le second groupe. » Rudi essaya d'appeler la police, mais il vit que les gens qui perpétraient ces violences étaient en uniforme. « Nous avions trois vieilles dames qui, comme nous, vivaient au premier étage. Une a été tirée au-dehors et frappée, sans raison sauf peut-être qu'elle s'était trouvée en travers du chemin ou quelque chose comme ça. On m'a filé des coups et j'ai fini à la cave où étaient les cuisines. [...] Ensuite, ils m'ont arrêté et tenu sous bonne garde devant la porte pendant que d'autres achevaient leur boulot à l'intérieur. » Soudain, exemple typique de leur comportement arbitraire, les SA changèrent d'idée et décidèrent de ne pas placer Rudi Bamber en détention : « Un très grand nombre de gens furent arrêtés cette nuit-là et il était évident que leur intention était également de m'arrêter. Mais, au bout d'un moment, ils ont découvert que leur chef était rentré chez lui. Il en avait eu manifestement assez et cela les irrita beaucoup. Ils n'allaient pas perdre davantage de temps. Aussi m'ont-ils donné un vif coup de pied et ils m'ont dit : "Tire-toi" ou quelque chose du même genre, puis ils sont sortis et m'ont laissé là. » Mais un spectacle terrible attendait Rudi Bamber lorsqu'il entra dans la maison : « Je suis monté à l'étage et j'ai trouvé mon père agonisant. J'ai essayé autant que j'ai pu de lui faire de la respiration artificielle, mais je n'étais pas très bon pour cela ; en tout cas c'était trop tard. [...] J'étais complètement sous le choc. Je ne comprenais pas comment cette situation avait pu se produire... de la violence gratuite contre un peuple qu'ils ne connaissaient pas. »
Pendant la Nuit de Cristal

Les Juifs Autrichiens

Les Juifs Autrichiens persécutés
L'union entre les deux pays fut brutale. A son arrivée en Autriche, Hitler avait été reçu par Heinrich Himmler, qui avait traversé la frontière la nuit précédente afin de « nettoyer » le pays de toute opposition. Les Juifs autrichiens furent les premiers à souffrir. Walter Kammerling, jeune Juif de quinze ans, vivait alors à Vienne : « Nous avons entendu la rumeur de la rue arriver, toute la population viennoise, c'est-à-dire non juive, dans la jubilation et la joie. Alors, le premier problème est apparu : le saccage des boutiques juives. Et lorsque nous sommes sortis le lendemain dans la rue, c'était un samedi, des gens nous ont molestés. [...] Nous étions tout à fait "hors la loi", sans aucune protection de nulle part. N'importe qui pouvait venir à nous et faire ce qu'il voulait ; les gens entraient dans les appartements qu'ils voulaient et les prenaient. » Les SS approuvaient toutes les humiliations infligées par les nazis autrichiens aux Juifs, en particulier lorsqu'ils leur firent nettoyer les rues : « Je me souviens qu'une fois, j'ai dû moi aussi nettoyer les rues, dit Walter Kammerling. Je ne me rappelle rien sinon d'avoir vu dans la foule une femme bien vêtue — pas du genre prolétaire sans éducation ; elle tenait à bout de bras une fillette, une jolie petite blonde avec des bouclettes, vous savez, pour qu'elle puisse voir un homme de vingt ou vingt-deux ans (un SA) frapper à coups de pied un vieux Juif qui était tombé parce qu'il n'avait pas le droit de s'agenouiller. Il devait nettoyer en se courbant et il était tombé. Alors l'autre l'a frappé. Tout le monde riait, et elle riait aussi — c'était un divertissement merveilleux. Ça m'a bouleversé. »