Le programme agricole
du régime nazi

La vie
sous le IIIe Reich

Le paysan est propulsé au pinacle de la société nazie.
Richard Walther Darré, ministre de l'Agriculture de 1933 à 1942, met le retour à la terre au coeur de son programme.
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Walther Darré, ministre de l'Agriculture

programme agricole du régime nazi
Pendant des années, le Parti nazi s'était efforcé de gagner l'appui des fermiers. Le point 17 de « l'inaltérable » programme du parti leur promettait « une réforme agraire... une loi de confiscation des terres sans compensation pour le bien commun; l'abolition des intérêts sur les prêts agricoles et la prévention de toute spéculation sur les terrains ». Comme la plupart des autres points du programme, les promesses faites aux fermiers ne furent pas tenues, sauf celles qui visaient la spéculation sur les terrains. En 1938, après cinq ans de régime nazi, la distribution des terres demeurait plus inégale que dans tout autre pays d'Europe occidentale. Les chiffres publiés cette année-là dans la publication officielle Statistical Year Book montraient que les 2 500 000 exploitations agricoles les moins importantes occupaient moins de terre que le 0,1 pour 100 des plus grandes exploitations. La dictature nazie, comme les gouvernements socialistes bourgeois de la République, n'osait pas démanteler les immenses domaines féodaux des junkers, qui s'étendaient à l'est de l'Elbe.
Le régime nazi inaugura pourtant un vaste programme agricole, accompagné d'une propagande sentimentale à grand tam-tam, à propos du Blut und Boden (Le Sang et le Sol) et proclamant que le paysan était le sel de la terre et le principal espoir du Troisième Reich. Pour mener à bien ce programme, Hitler désigna Walther Darré, un des rares leaders du parti qui, tout en souscrivant à la plupart des mythes nazis, connaissait bien son domaine. Remarquable spécialiste de l'agriculture, avec une bonne formation universitaire, il avait travaillé dans les ministères de l'Agriculture de Prusse et du Reich. Contraint de démissionner à cause de conflits avec ses supérieurs, il s'était retiré en 1929 dans sa propriété de Rhénanie pour y écrire un livre intitulé La Paysannerie, source de vie de la Race nordique. Un pareil titre ne devait pas manquer d'attirer l'attention des nazis. Rudolf Hess présenta Darré à Hitler, qui fut si fortement impressionné qu'il le chargea de mettre au point un programme agricole pour le parti.

La loi de la ferme héréditaire

Après la démission de Hugenberg en juin 1933, Darré devint ministre du Ravitaillement et de l'Agriculture. En septembre, il avait terminé ses plans de remise en état de l'agriculture allemande. Deux lois fondamentales promulguées ce mois-là réorganisaient toute la structure de la production et des marchés, en s'efforçant d'assurer aux fermiers des prix plus élevés et en même temps de mettre le paysan allemand sur un nouveau pied : on y parvenait, de façon assez paradoxale, en revenant à un très ancien état de choses où les fermes étaient substituées, comme à l'époque féodale, et où le fermier et ses héritiers successifs étaient obligatoirement attachés à leur lopin de terre (à condition qu'ils fussent des Allemands aryens) jusqu'à la fin des temps.
La loi de la ferme héréditaire du 29 septembre 1933 constituait un étonnant mélange, repoussant les paysans à l'époque médiévale tout en les protégeant contre les abus de l'âge monétaire moderne. Toutes les fermes jusqu'à 125 hectares, qui étaient capables d'assurer une vie décente à une famille, furent déclarées biens héréditaires soumises aux anciennes lois de la Constitution. Elles ne pouvaient être vendues, divisées, hypothéquées ou saisies pour dettes. A la mort du propriétaire, elles devaient passer au plus vieux ou au plus jeune fils, selon les coutumes locales, ou au plus proche parent mâle, qui était obligé d'assurer la subsistance et l'éducation de ses frères et soeurs jusqu'à leur majorité. Seul, un Allemand aryen, capable de prouver la pureté de son sang en remontant jusqu'à 1800, pouvait être propriétaire d'une telle exploitation. Et seul un tel homme, stipulait la loi, avait droit au « titre honorifique » de Bauer, ou paysan, dont il était déchu s'il enfreignait le « code d'honneur paysan » ou cessait, par incapacité ou toute autre raison, d'exercer une activité agricole. Ainsi, le fermier allemand lourdement endetté au début du Troisième Reich se trouvait-il protégé contre le risque de perdre ses biens par saisie ou de les voir aller diminuant (puisqu'il n'était plus nécessaire de vendre un bout de terre pour payer une dette), mais en même temps il était lié au sol de façon aussi irrévocable que les serfs de l'époque féodale.

Prix stables et autonomie alimentaire

Les moindres aspects de sa vie et de son travail étaient strictement réglementés par l'Administration du Ravitaillement du Reich, que Darré établit par une loi du 13 septembre 1933, vaste organisation dont l'autorité s'étendait sur toutes les branches possibles de la production agricole, de ses débouchés et de ses méthodes de fabrication, et qu'il dirigeait lui-même en tant que chef paysan du Reich. Ses principaux objectifs étaient au nombre de deux : obtenir des prix stables et avantageux pour le fermier et permettre à l'Allemagne de se suffire à elle-même sur le plan du ravitaillement.
Dans quelle mesure y parvint-il ? Dans les premiers temps, assurément, le fermier, qui pendant si longtemps s'était senti négligé dans un État qui semblait ne s'intéresser qu'aux intérêts des milieux d'affaires et des prolétariats, le fermier fut flatté d'être l'objet de telles attentions, de se voir proclamé héros national et citoyen respecté. Il fut ravi de voir monter les prix que Darré lui fit obtenir en les fixant tout simplement de façon arbitraire à un niveau qui permettait au fermier de réaliser des bénéfices. Dans les deux premières années du régime nazi, les prix de gros agricoles augmenterent de 20% (pour les légumes, les produits laitiers et le bétail, l'augmentation fut un peu supérieure), mais cet avantage fut en partie compensé par une augmentation analogue des articles que le fermier devait acheter, et surtout de l'outillage agricole et des engrais.
Quant à l'autonomie en matière de ravitaillement, jugée nécessaire par les chefs nazis, et qui, comme on le verra, préparait déjà la guerre, ce but ne fut jamais atteint, et étant donné la qualité et la quantité du sol allemand par rapport aux chiffres de sa population il était impossible à atteindre. Tout ce à quoi le pays put parvenir, malgré tous les efforts nazis dans la « bataille de la production », ce fut d'atteindre une autonomie à 83 pour 100, et encore seule la conquête de territoires étrangers permit aux Allemands de se procurer un ravitaillement suffisant pour leur permettre de tenir au cours de la seconde guerre mondiale aussi longtemps qu'ils le firent.
autonomie alimentaire du régime nazi