La censure
sous le régime nazi

La vie
sous le IIIe Reich

A force de tout subordonner au paraître et à la manipulation des masses, le nazisme n'a rien créé de durable, ni en Allemagne, ni à l'extérieur. II était vide de contenu. Il fut la victime de cette propagande qui l'a entraîné à la démesure, au crime et à la catastrophe parce qu'il n'existait que par elle.
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Priver les Allemands de toutes sources d'information

Cette propagande ne peut être vraiment efficace qu'à condition de priver les Allemands des sources d'information et des formes d'expression non contrôlées par les nazis. Pour atteindre ce but, il faut isoler le pays de l'extérieur et empêcher toute diffusion d'opinions hétérodoxes, y compris celles que contiennent d'anciennes publications nazies, voire hitlériennes, si elles contredisent les objectifs du moment. La politique économique du Reich, qui limite strictement les importations, permet d'éliminer les journaux, films et livres étrangers du marché.
Seule la radio franchit les frontières. Mais pendant toute la durée du Ille Reich, l'écoute des stations étrangères est interdite, présentée comme un acte d'inféodation à l'ennemi, aux Juifs, accusés d'inspirer un complot antiallemand et d'exercer une influence néfaste sur les médias. Dénoncer les auditeurs de radios étrangères, sur qui s'abattent de lourdes sanctions, est considéré comme un acte de civisme.
L'instauration d'une économie dirigée permet d'autre part de réduire au silence les oppositions intérieures. La distribution du papier, notamment, est contingentée ; la radio et la production cinématographique sont entièrement contrôlées par l'État.

Le contrôle de la presse

La censure de la presse sous le troisième reich
Tous les matins, les rédacteurs en chef des quotidiens de Berlin et les correspondants des journaux publiés ailleurs dans le Reich se réunissaient au ministère de la Propagande pour s'entendre dire par le docteur Goebbels ou par un de ses collaborateurs les nouvelles à imprimer ou à ne pas imprimer, comment rédiger les articles et les titrer, quelles campagnes faire cesser ou entreprendre et quels éditoriaux il était bon de faire lire ce jour-là. Pour éviter tout malentendu, des directives écrites quotidiennes étaient fournies aux journalistes, en même temps que les instructions orales. A l'usage des journaux régionaux de moindre importance et des périodiques, les directives étaient expédiées par télégramme ou par courrier ordinaire.
Pour être rédacteur en chef dans le Troisième Reich, il fallait, avant tout, être politiquement et racialement pur. La loi sur la Presse du Reich du 4 octobre 1933 disait que le journalisme était une « vocation publique » réglementée légalement, et stipulait que tous les journalistes devaient avoir la nationalité allemande, être de descendance aryenne et ne pas être mariés à une juive.
L'article 14 de cette loi de la Presse ordonnait aux rédacteurs en chef de « considérer comme interdite la publication de tout ce qui, d'une manière quelconque, peut tromper le public, mêler des buts égoïstes aux buts de la nation, porter atteinte à la force du Reich allemand, au-dehors et à l'intérieur, à la volonté commune du peuple allemand, à la défense de l'Allemagne, à sa culture et à son économie... ou qui peut offenser l'honneur et la dignité de l'Allemagne »... loi qui, si elle avait été en application avant 1933, aurait entraîné la suppression de toute publication nazie dans le pays. Elle menait maintenant à l'interdiction de tous les journaux et au licenciement de tous les journalistes qui n'étaient pas nazis ou qui refusaient de le devenir

Des journaux ennuyeux

Du moment que tous les journaux allemands étaient instruits de ce qu'ils devaient publier et de la manière dont ils devaient rédiger les nouvelles, la presse du pays était inévitablement devenue d'une terrible uniformité. Pour enrégimentés qu'ils fussent et habitués à se plier devant l'autorité, les Allemands commencèrent à trouver leurs journaux ennuyeux. Le tirage des journaux même aussi importants que les quotidiens nazis, le Vôlkischer Beobachter, journal du matin, et Der Angriff, journal du soir, diminua. Et le tirage total de tous les journaux diminua de façon vertigineuse à mesure que les journaux coulaient ou étaient repris par des directeurs nazis. Dans les quatre premières années du Troisième Reich, le nombre des quotidiens passa de 3 607 à 2 671.
Mais, si le pays perdait une presse libre et variée, le parti y gagnait... financièrement du moins. Max Amann, sergent d'Hitler durant la guerre de 1914-1918 et chef du Eher Verlag, la maison d'édition du parti, devint le dictateur financier de la presse allemande. En tant que chef de la Presse du Reich et président de la Chambre de la presse, il avait le droit de supprimer légalement toute publication qu'il désirait supprimer et, en conséquence, le pouvoir de la racheter pour une bouchée de pain. En peu de temps, le Eher Verlag devint un immense empire de l'édition, probablement le plus vaste et le plus lucratif du monde. En dépit de la baisse dans les ventes du nombre de publications nazies, les quotidiens qui appartenaient au parti et étaient contrôlés par lui ou par des nazis comptaient les deux tiers du tirage quotidien total de 25 millions de journaux, au moment où éclata la seconde guerre.

La radio et le cinéma au service de la propagande nazie

La radio et le cinéma au service de la propagande nazie
La radio et le cinéma furent, eux aussi, très vite mis au service de la propagande nazie. Goebbels avait toujours considéré la radio (la télévision n'existait pas encore) comme le principal instrument de propagande dans la société moderne et, à travers la section de la radio de son ministère et la Chambre de la radio, il parvint à contrôler totalement les émissions et à les modeler à sa guise. Sa tâche fut facilitée par le fait qu'en Allemagne, comme dans les autres pays européens, la radio était un monopole d'État. En 1933, le gouvernement nazi se trouva automatiquement en possession de la Radiodiffusion du Reich.
Le cinéma demeurait entre les mains de sociétés privées, mais le ministère de la Propagande et la Chambre du cinéma contrôlaient tous les domaines de l'industrie cinématographique; leur tâche était définie officiellement comme suit : « Élever l'industrie cinématographique hors de la sphère des idées économiques libérales.., et la rendre apte, par conséquent, à remplir les tâches qui lui incombent dans l'État national socialiste. »
Le résultat dans les deux cas fut de donner aux Allemands des programmes de radio et des films aussi stupides et ennuyeux que le contenu de leurs quotidiens et de leurs périodiques. Même le public, qui, généralement, se soumettait sans protester à ce qu'on lui indiquait, ce qui était bon pour lui, se révolta. Les clients boudaient en masse les films nazis et se précipitaient dans les salles qui montraient les rares films étrangers (généralement des films américains de série B) que Goebbels autorisait à être représentés sur les écrans allemands. A un moment, au milieu des années trente, il devint si habituel de siffler les films allemands que Wilhelm Frick, le ministre de l'Intérieur, lança un sévère avertissement contre « un comportement des spectateurs qui constitue une trahison ». De même, les programmes de radio étaient tellement critiqués que le président de la Chambre de la Radio, un certain Horst Dressler-Andress, déclara que de telles malveillances étaient « une insulte à la culture allemande » et ne pouvaient être tolérées. A cette époque, dans les années trente, un auditeur allemand pouvait toujours tourner son bouton pour prendre un tas de postes étrangers sans risquer, comme ce fut le cas par la suite, quand la guerre eut commencé, de se faire trancher la tête. Et peut-être beaucoup d'entre eux le faisaient-ils, mais on a néanmoins eu l'impression, à mesure que passaient les années, que le docteur Goebbels avait eu raison en ce sens que la radio devint de loin l'instrument le plus efficace de propagande du régime, faisant plus que n'importe quel autre moyen d'expression pour modeler le peuple allemand suivant les desseins d'Hitler.