La nazification de la culture
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livres sous les nazis
livres brûlés par les nazis
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Quiconque a habité en Allemagne dans les années trente, et que ces problèmes intéressaient, ne peut oublier le navrant déclin du niveau culturel d'un peuple chez qui la culture s'était maintenue à un degré si élevé pendant si longtemps. C'était inévitable, bien sûr, à partir du moment où les chefs nazis décidèrent que les arts, les lettres, la presse, la radio et le cinéma devaient servir exclusivement à la propagande du nouveau régime et de sa philosophie barbare. Aucun écrivain allemand de quelque importance, à l'exception d'Ernst Jünger et d'Ernst Wiechert, ne fut publié en Allemagne sous les nazis. Presque tous, Thomas Mann en tête, émigrèrent; les rares qui restèrent demeurèrent silencieux ou furent réduits au silence. Tout manuscrit de livre ou de pièce de théâtre devait être soumis au ministère de la Propagande avant de pouvoir être publié ou joué.

La nouvelle ère nazie de la culture allemande n'était pas seulement éclairée par les feux de joie de livres et par les mesures plus efficaces, bien que moins symboliques, d'interdiction de vente ou de mise en circulation dans les bibliothèques de centaines de volumes et de publication de nombreux ouvrages nouveaux, mais aussi par la réglementation de la culture à un degré qu'on n'avait encore jamais connu dans aucune nation occidentale. Dès le 22 septembre 1933, une loi instituait la Chambre culturelle du Reich, sous la direction du docteur Goebbels. Son but était légalement défini comme suit : « En vue de poursuivre une politique de culture allemande, il est nécessaire de rassembler dans une organisation unifiée placée sous la direction du Reich les artistes créateurs de toutes les sphères. Le Reich doit non seulement déterminer les méthodes à suivre, tant sur le plan mental que spirituel, mais encore diriger et organiser les carrières libérales. »
Sept chambres dépendant de la Chambre culturelle furent instituées afin de contrôler toutes les sphères de la vie culturelle : ce furent les Chambres des beaux-arts, de la musique, du théâtre, des lettres, de la presse, de la radio et du cinéma. Toutes les personnes exerçant leurs activités dans ces divers domaines étaient contraintes de s'inscrire dans ces chambres respectives, dont les décisions et les directives avaient force de loi. Entre autres pouvoirs, les chambres avaient celui d'expulser ou de refuser ou d'accepter des membres pour cause « d'instabilité politique »; autrement dit, ceux qui avaient une attitude même tiède vis-à-vis du national-socialisme pouvaient être, et étaient généralement, empêchés d'exercer leur profession ou leur art et donc privés de moyens d'existence.

Suivant les termes d'une déclaration d'étudiants, était condamné à être détruit par les flammes tout livre « qui a une action subversive sur notre avenir ou porte atteinte aux racines de la pensée allemande, du foyer allemand, et des forces motrices de notre peuple ».
Le docteur Goebbels, nouveau ministre de la Propagande, qui allait. à partir de ce moment, mettre la culture allemande dans la camisole de force nazie, s'adressa en ces termes aux étudiants, tandis que les livres étaient réduits en cendres : « L'âme du peuple allemand peut de nouveau s'exprimer. Ces flammes n'illuminent pas seulement la fin définitive d'une ère; elles éclairent aussi l'ère nouvelle. »

Le soir du 10 mai 1933, environ quatre mois et demi après qu'Hitler fut devenu chancelier, une scène se déroula à Berlin comme on n'en avait pas vu dans le monde occidental depuis le Moyen Age. Vers minuit, une retraite aux flambeaux dans laquelle défilaient des milliers d'étudiants vint s'arrêter sur une place de Unter den Linden, en face de l'Université de Berlin. A l'aide des torches, le feu fut mis à un énorme tas de livres rassemblés là et, quand les flammes montèrent, d'autres livres furent jetés dans le brasier, et finalement quelque vingt mille volumes furent brûlés. L'incendie des livres avait commencé.
Parmi ces livres jetés dans les flammes à Berlin ce soir-là par de joyeux étudiants, sous l'oeil approbateur du docteur Goebbels, il y en avait qui avaient pour auteurs des écrivains de réputation mondiale.

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La vie dans le IIIe Reich