Caligula... mégalomane et paranoique.
Sa folie était loin d'être douce

Que le troisième empereur romain ait été un fou sanguinaire, nul n'en doute ! Mais les crises d'épilepsie n'expliquent pas tout. Il faut aussi évoquer ses origines familiales, son milieu dépravé et les institutions.

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Le nouvel empereur chercha d'abord à gagner les bonnes grâces du peuple. Il fit distribuer de l'argent et organisa des fêtes, des courses et des chasses au lion, à la panthère et à l'ours. A cette occasion, huit cents animaux sauvages furent amenés à Rome.
Il ordonna l'ouverture de joutes oratoires, en grec et en latin, et des concours de poètes. Le poète le plus médiocre était condamné à effacer avec sa langue les vers écrits sur ses tablettes, puis à être fustigé ou immergé.
Mais Caligula promit au peuple d'abolir les procès de lèse-majesté, de rapatrier les bannis et de publier régulièrement les mesures concernant la gestion de l'État. Ses débuts, certes, furent pleins de promesses !
Pour effacer de la mémoire populaire les affreux souvenirs du triste règne de Tibère. Caligula voulut ouvrir une ère « des temps des splendeurs ». Pour cela, il fit transporter d'Égypte des obélisques, mais il ne s'aperçut même pas que les monuments importés par Auguste étaient couverts d'hiéroglyphes, tandis que ses obélisques n'étaient que de vulgaires imitations !
Peu après avoir pris en main les charges de la succession de l'empire, Caligula fut terrassé par une grave maladie. Des nuits entières, le peuple veillait dans les rues, près du palais. Les Romains étaient inquiets, et certains firent le voeu de sacrifier leur vie si l'empereur ne recouvrait la santé.

caligula
Une soeur trop aimée
Rétabli, Caligula découvrit alors au peuple ce qu'il était réellement.
Le premier janvier de l'an 38 après J.-C., au Sénat, il avait fait prêter serment séparément aux sénateurs. Ils devaient offrir leur vie pour l'empereur et pour ses soeurs.
Le premier janvier de l'an 40, deux d'entre elles se trouvaient en captivité sur des îles désertes. Drusilla, la troisième, venait de mourir, et Caligula était inconsolable de sa perte. Après l'avoir donnée comme épouse à un certain Lucius Cassius Longinus, il l'avait enlevée et l'avait traitée publiquement comme son épouse. Elle devait lui succéder à la tête de l'empire.
Désespéré, Caligula, comme un forcené, parcourait l'Italie dans tous les sens et exigeait du peuple qu'il partageât son chagrin. Il ordonna l'observance de jours, de semaines et de mois de « deuil populaire ». Les exclamations, les rires au foyer, aux bains, la joie des repas familiaux, celle des femmes et des enfants étaient considérés comme des délits frappés de la peine de mort.
Il fit recevoir l'effigie de Drusilla au Panthéon, temple de l'Etat romain, où seuls Jules César et Auguste, fondateurs de l'Empire, étaient vénérés comme des dieux.
Caligula ordonna qu'on érigeât des autels pour la nouvelle déesse. Et dans le pays entier, le peuple s'adonna à la folle adoration de Drusilla. Un jeune sénateur affirma en toute sincérité qu'il avait vu Drusilla monter au ciel. Caligula le récompensa royalement en l'honneur de sa divine vision.
A deux reprises, lors des célébrations de mariage, l'empereur enleva les fiancées de deux patriciens, pour la joie de les répudier après ! Il aimait, par contre, passionnément Césonie, une créature qui n'était ni jeune ni belle, mais dissipatrice et libertine.
Il recherchait sa compagnie. A cheval, elle était vêtue d'un manteau de soldat et portait le casque et le bouclier. Quelquefois, il l'exhibait nue devant ses intimes.
Quand elle mit au monde une fille, il déclara que Césonie était son épouse et il reconnut l'enfant. Il était certain, affirmait-il, que la fillette était de son sang, car elle était d'une insolence hors de pair.
Et Caligula gouvernait.
( Les sénateurs les plus honorables et les plus espectés, revêtus de leur toge, étaient contraints d'accompagner à pied sa voiture ou de le servir aux repas avec un grossier tablier de toile, comme des esclaves. D'autres doctes sénateurs furent assassinés en secret. Il donna aussi l'ordre de fustiger son questeur, après lui avoir enlevé ses vêtements qui furent placés, pour plus de commodité, sous les pieds des soldats chargés de le flageller.)
Pendant les jeux des gladiateurs, il fit retirer les bannes qui protégeaient la foule contre les ardeurs du soleil, afin, disait-il, que le public transpirât ! Il était interdit à la foule de quitter le théâtre !
Quelquefois, sur son ordre, on introduisait dans l'arène des animaux affamés et, à la place des gladiateurs, de faibles vieillards ou de respectable pères de famille, le plus souvent infirmes, devaient combattre les fauve
caligula au cinema

Mais l'empereur visait plus haut : il voulait être adoré comme un dieu. Après avoir fermé les magasins où l'on stockait le blé, il déclara la famine au pays.
Dans les prisons, c'était lui qui choisissait des prisonniers destinés à être jetés en pâture aux fauves.
Incapable de fixer son choix, il ordonnait de les livrer tous aux bêtes, « de la première à la dernière tête rasée ». Des hommes honorables furent marqués au fer rouge ou condamnés à lutter dans l'arène avec les bêtes féroces.
Il enfermait les condamnés dans des cages de fer étroites où il ne pouvaient se tenir debout. L'abominable cruauté de ses actes était soulignée de monstrueuses paroles, d'une ironie atroce et immonde.
Il avait coutume de déplorer le bien-être et l'opulence dont jouissait le pays ; son règne, pensait-il, serait vite oublié puisqu'il n'était frappé par aucun grand malheur et par aucune défaite. Il souhaitait que surgissent des famines, des épidémies, la peste, des incendies et des tremblements de terre.
Un jour, au cours d'un fastueux banquet, Caligula fut secoué, tout à coup, par une crise de rire hystérique. Deux consuls, allongés à ses côtés, lui demandèrent respectueusement la raison de son hilarité.
— Je ris, répondit l'empereur, parce que je pensais précisément que je pourrais en toute facilité vous faire trancher la gorge !
Jamais il ne déposait un baiser sur la nuque de son épouse ou de sa maîtresse sans proférer doucement :
— Même cette tête adorable tombera dès que je l'ordonnerai.

S'il avait une haute stature, son torse disproportionné était prolongé par de longues jambes maigres. Son cou était long, son visage, d'une pâleur morbide, était troué par des yeux profondément enfoncés dans les orbites, et son large front aux tempes creuses avait un aspect sinistre. Son crâne chauve contrastait ridiculement avec un corps velu.
— Voilà la chèvre ! murmurait-on à son passage.
Inutile d'ajouter que ces paroles étaient dangereuses pour ceux qui les prononçaient.
Il souffrait d'insomnies et ne dormait jamais plus de trois heures par nuit.
L'orage lui inspirait une telle frayeur qu'il se réfugiait sous son lit. Souvent, il s'affublait de vêtements de femme et collait sur son menton une barbe d'or. Dans sa main droite, il tenait la foudre, le trident ou le caducée, l'insigne des dieux. La nuit, il s'exhibait à la danse, où il exécutait les solos.
Pendant combien de temps cet empereur à moitié dément exerça-t-il le pouvoir ? On est saisi de terreur en se rappelant qu'il régna trois ans dix mois et huit jours !
Ce règne abominable se fût prolongé si, dans le cercle de ses officiers, une main vengeresse ne se fût levée.
Les tortures, les meurtres, les impôts, les outrages révoltaient la loyauté et la droiture des officiers. L'un d'eux, vieillard au passé militaire glorieux, tribun d'une cohorte de prétoriens, Cassius Chaerea, qui pendant toute son existence n'avait reculé devant aucun danger, précipita la fin. L'empereur avait l'habitude de lui confier les tâches les plus délicates et de le ridiculiser devant ses camarades. Mal lui en prit.
Chaerea prépara une conjuration à laquelle il ne fit participer que peu de comparses. Le 24 janvier de l'an 41 après J.-C. il se trouvait, comme à l'affût, dans un couloir souterrain du théâtre.
L'empereur s'apprêtait à quitter le spectacle lorsque Chaerea lui assena un violent coup d'épée sur la nuque. Un autre conjuré lui transperça la poitrine. Il est dit que Chaerea s'écria :
— C'est ainsi que ton destin s'accomplit ! Caligula, qui se tordait de douleur, cria : Je vis encore !
Mais trente fers l'achevèrent. Un centurion assassina Césonie, son épouse. La soldatesque brisa le crâne de sa fille en la précipitant contre un mur.
Quand l'incroyable nouvelle de l'assassinat de Caligula se répandit dans la ville, personne n'osa lui accorder le moindre crédit.
— C'est la chèvre qui fait circuler le bruit, murmurait-on, pour éprouver notre fidélité et nous achever ensuite.
L'impérial dément, par-delà le trépas, terrifiait encore.

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