Amin Dada... Un Néron noir

Tantôt décrit comme un fou, tantôt comme un bouffon, Amin Dada, qui a défrayé la chronique pendant près de dix ans, semble d'abord avoir eu des problèmes personnels importants ; fils illégitime, il verra pour la première fois son père lorsqu'il aura atteint l'âge de trente-deux ans ! Il entre dans l'armée britannique, en ressort avec le grade d'officier : il sait à peine lire et écrire. Il contracte une blennorragie et une syphilis qu'il soigne mal et, après la conquête du pouvoir, prend pour modèle Hitler, découvrant que le meurtre n'appelle aucune sanction s'il débouche sur la victoire. Il présente des traits hypomaniaques, réfléchit après avoir agi ; mais selon les psychiatres israéliens qui ont eu l'occasion de l'examiner, Amin Dada souffre d'une forme hallucinatoire de paralysie générale...

amin dada
amin dada dans l'armée anglaise

Les trucs des blancs
En 1946, Amin Dada a vingt ans. Aide-cuisinier chez les King's African Rifles, vaillante troupe britannique, il écoute, baragouine, imite, séduit. Il s'enrôle dans l'armée et devient un excellent sous-officier. Les soldats anglais qui l'ont connu à l'époque disent de lui « qu'il était sympathique mais qu'il manquait un peu de matière grise ». Excellent rugbyman, excellent boxeur, Amin s'affirme rapidement grâce à sa musculature. En 1959, deux ans avant l'indépendance, Amin est promu officier britannique ; il sait à peine lire et écrire et l'on raconte l'histoire suivante : il veut se faire établir un compte en banque. Il file au plus proche établissement et s'enquiert des formalités. Le directeur lui précise qu'il faut savoir signer. Qu'à cela ne tienne, Amin Dada se saisit d'un crayon et s'entraîne durant plus d'une heure sous les veux ahuris des employés. Puis il dépose 13 livres anglaises, empoche un carnet de chèques dont il a pris soin de se faire préciser que « c'est comme de l'argent ». Le soir, le directeur de la banque téléphone, affolé, à la caserne : le compte d'Amin Dada est déficitaire de 2 000 livres. Il a acheté une voiture, une machine à coudre, un costume et une bouteille d'alcool, les quatre choses qui pour lui font un gentleman. Las! On lui reprend tout et Amin Dada ne comprend pas. Les chèques n'étaient donc pas des billets de banque ? Mais si l'on ne peut dépenser que ce que l'on possède déjà, à quoi bon un compte en banque ? Amin Dada vient de comprendre qu'il faut se méfier de la technique des « trucs » blancs.

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Comment Amin Dada parvient-il à diriger son pays ? Peut-il, au nom d'une faible minorité musulmane, asseoir sa dictature et procéder à des génocides qui ne soulèvent aucune réprobation ? A-t-on affaire à un Néron noir ? Amin Dada est-il seulement un illettré intelligent, souffre-t-il de quelque insuffisance des sécrétions de la thyroïde, est-il amoral ?
Encore une anecdote : le président Amin expulse deux professeurs de la faculté de médecine de Makerere qu'il accuse d'espionnage pour l'Angleterre et de « propager de la blennorragie politique ». Quinze jours plus tard, il est furieux, car il veut passer un check-up médical auprès de ces deux médecins et ne se rappelle pas qu'il les a expulsés !
Ces troubles du caractère sont-ils compatibles avec des traits de psychose maniaco-dépressive ? Il est certain qu'Amin Dada est un agité, constamment en mouvement, qui ne parvient pas même à suivre les délibérations de son Conseil des ministres, qui réfléchit après avoir agi. Comme beaucoup de maniaco-dépressifs, il trouve la détente dans l'alcool dont il fait une bonne consommation. Les éléments modérateurs de son cabinet ne peuvent freiner ses impulsions.
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Une rare poltronnerie
Un événement politique devait provoquer des révélations inattendues sur la maladie vénérienne d'Amin Dada. En juin 1976, un avion Airbus français transportant plus de trois cents passagers dont cent Israéliens avait été détourné par des terroristes palestiniens et amené sur l'aéroport d'Entebbe, probablement avec la complicité ou du moins la sympathie d'Amin Dada. Grâce à un coup de force audacieux de l'armée israélienne le 4 juillet, les terroristes étaient tués tandis que les cent derniers otages restant sur l'aéroport étaient libérés et conduits à Tel-Aviv. Dérouté devant ce coup de force qui avait montré l'impuissance de son armée et son aviation, Amin Dada avait déclaré qu'il ferait payer cher aux Israéliens cette offense à son pays. Pour rassurer ses concitoyens, un psychiatre israélien, qui avait bien connu Amin Dada en 1968, avant son coup d'Etat, parce qu'il y avait été appelé pour organiser les services psychiatriques ougandais, déclara qu'il savait beaucoup de faits précis sur Amin Dada qui le consultait. Voici les déclarations du docteur Marcel Assael, directeur des services de psychiatrie d'un hôpital de la région de Tel-Aviv et maître de conférences à la faculté de psychologie de l'université de Jérusalem, telles qu'elles ont été publiées dans le journal israélien Yedioth Ahrarronoth du 9 juillet 1976 : « Le président Amin Dada est menteur, dépourvu de toute assurance et ne retrouve quelque sécurité qu'en affirmant que les " grands " de ce monde sont ses amis. Il est d'une rare poltronnerie, la moindre goutte de son précieux sang le panique et l'amène à demander aussitôt des soins et des tonnes de pansements.
« Le maréchal Amin souffre des séquelles d'une syphilis contractée en 1955 dans les rangs de l'armée britannique. La maladie est dans un état déjà très avancé et affecte le cerveau d'où les hallucinations de Dada, ses conversations avec Dieu et les anges et autres élucubrations qui sont autant de manifestations de ce mal. » En 1977, Henry Kyemba, ancien ministre de la Santé d'Amin Dada et ancien vice-président de l'Assemblée mondiale de la santé à Genève, a confirmé la syphilis du chef de l'Ouganda.
Dans ce portrait, le psychiatre israélien précise qu'Amin Dada n'a été alphabétisé que très tardivement, il peut difficilement lire un journal et encore moins un livre, se bornant pour sa culture aux bandes dessinées des journaux ougandais.
L'une de ses passions est la photographie. Il a donc acheté une immense collection d'appareils photographiques et cinématographiques ainsi que des magnétophones et autres appareils d'enregistrement ; mais il ne sait pas s'en servir.
Après la mort de sa mère à laquelle il était resté très attaché, Amin Dada demanda aux pilotes israéliens qui, à l'époque, entraînaient son armée, de faire des évolutions spéciales au-dessus de la tombe de sa mère et de lâcher des fleurs.

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