La grève ... une joie sans mélange ...
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Le dimanche, les Parisiens vont voir les grands magasins en grève : « Derrière les vitres, dit un témoin, on aperçoit des employés qui jouent aux cartes, se promènent, lisent ou tendent le poing… Sur le dôme du Bazar de l’Hôtel de Ville, le drapeau rouge flotte à côté du drapeau tricolore. Au Printemps cent artistes donnent un concert. A la Samaritaine des grilles de fer sont placées par précaution devant les vitrines. »
Le Lido a fermé ses portes et le personnel occupe le cabaret : « Les garçons, maîtres d’hôtel, cavistes, musiciens, lingères et jusqu’aux danseuses du corps de ballet se sont installés de leur mieux, rapporte le Figaro, dans les locaux où ils ont étendu  des matelas, apporté des fauteuils et des chaises longues. »
des séances récréatives. Des chants. Des baIs. On joue à la belote, aux boules, au ping-pong.
Simone Weil, intellectuelle qui se fit ouvrière, se réjouit : «Enfin, on respire… Cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure, une Joie sans mélange. » 
Les grévistes mangent la nourriture qui leur est apportée de l'extérieur, les hommes dorment sur des lits de fortune, les femmes et les enfants étant autorisés à regagner le soir leur domicile. Le temps se passe à discuter, jouer aux cartes ou aux boules, danser, écouter des chansonniers sympathisants.
Consommation de liqueurs fortes interdite, nul bris de machines, nul sévice, mais drapeaux rouges (souvent mariés à des drapeaux tricolores) hissés au faîte des bâtiments, et interdiction de paraître signifiée aux patrons, directeurs et ingénieurs. L'atmosphère est à la fête et à la victoire. Jamais n'avait-on vu mouvement d'une telle ampleur et d'un tel caractère.
Simone Weil écrit en juin: J’ai été voir les copains dans une usine où [ai travaillé il y a quelques mois... joie de parcourir librement les ateliers où on était rivé sur sa machine... Joie d'entendre, au lieu du fracas impitoyable des machines, de la musique, des chants et des rires. Joie de passer devant les chefs la tête haute... On se détend complètement. On n'a pas cette énergie farouchement tendue, cette résolution mêlée d'angoisse si souvent observée dans les grèves. On est résolu, bien sûr; mais sans angoisse. On est heureux.
Spectatrice enthousiaste de ces semaines de lutte, la philosophe Simone Weil écrit dans La Révolution prolétarienne du 10 juin: « Il s'agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence pendant des mois et des années, d'oser enfin se redresser. Se tenir debout. »
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